Une semaine après l'invasion du Capitole par des militants d'extrême-droite pro-Trump, la Chambre des représentants a voté un second impeachment contre le président accusé d'avoir incité la foule à l'insurrection. Qui est Couche-Tard, le roi du "dépanneur" québécois qui veut racheter Carrefour ?
Donald Trump est depuis quelques heures le premier président dans l'histoire des Etats-Unis a subir deux procédures d'impeachment à la Chambre des représentants.
A lire les compte-rendus que font aussi bien le Washington Post, que USA Today, de ce débat historique qui a conduit à ce deuxième impeachment en un an, c'est un moment d'une grande intensité qu'ont vécu les élus au coeur même du Capitole où s'était déroulée, une semaine plus tôt, cette insurrection pour laquelle le président était justement mis en accusation.
The front page of Thursday's Washington Post:
— The Washington Post (@washingtonpost) January 14, 2021
"Trump impeached again" https://t.co/8MQCVmwdsNpic.twitter.com/6XywJ3JK3M
"C'est comme si nous jugions un crime sur le lieu-même où il a été commis", déclarait tout à l'heure un élu démocrate, et l'on est tentés d'ajouter que ce sont les premières victimes de ce crime qui ont été appelées à se prononcer sur la responsabilité de son commanditaire : plusieurs élus ont rappelé qu'une semaine plus tôt, ils se cachaient, à quelques mètres de l'hémicycle, qui dans un bureau, qui dans un sous-sol ou entre deux portes, entendant les cris, les vitres brisées, les portes forcées et les coups de feu et craignant pour leur vie autant que pour la démocratie de leur pays.
Are Republicans really ready to unhitch their wagon from Donald Trump? https://t.co/GohBDgDS4Q
— The Guardian (@guardian) January 13, 2021
"Beaucoup d'émotion et de gravité" donc, résume le New York Times... Il fallait bien tout cela pour espérer convaincre les républicains de voter en faveur de l'impeachment contre celui qui a été leur leader et leur "locomotive politique" pendant quatre ans. La métaphore ferroviaire est d'ailleurs filée par Tom McCarthy du Guardian : ce mercredi soir, ils ont finalement été 10 à se ranger aux côtés des démocrates pour voter la destitution de Donald Trump, mais le parti républicain, lui-même, est-il prêt à "décrocher une bonne fois pour toute son wagon de la locomotive Trump" désormais hors de tout contrôle ?
Cela, on ne le saura que le 19 janvier au plus tôt, et sans doute plutôt après l'investiture de Joe Biden, quand le Sénat se réunira pour cette fois, réellement juger Donald Trump et possiblement le condamner pour les faits de la semaine dernière. C'est là qu'est l'enjeu véritable, qui empêcherait Donald Trump de bénéficier des avantages réservés aux anciens présidents et de briguer le moindre mandat politique à l'avenir.
"By articulating a right-wing America First populism already deeply rooted in many circles of the Republican Party, Mr. Trump turned himself into the messiah for MAGA-land. He was an innovator," writes @LisaM_McGirr. https://t.co/5i6z6HH5i7
— New York Times Opinion (@nytopinion) January 14, 2021
Pour cela, pour faire condamner Donald Trump, il faudrait que 17 sénateurs républicains sur 50 votent avec les démocrates. 17 contre 10 hier seulement à la Chambre des représentants, on le rappelle... Et le patron des républicains au Sénat Mitch McConnel, a beau expliquer à demi-mot qu'il "envisage, peut-être" de voter la condamnation de Trump, il a toutefois refusé de convoquer son assemblée avant le 19, pour que le vote ait lieu tant que Trump était toujours président.
Il ne faut pas se leurrer, selon John Cassidy à lire dans The New Yorker, malgré tout le mérite que l'on peut reconnaître aux 10 refuzniki de la Chambre, "la grande majorité des républicains reste fidèle à Donald Trump... et espérer le contraire relève du voeu pieux". Pour preuve, note Cassidy, les dix républicains qui ont voté l'impeachment se sont pour la plupart gardés de prendre la parole pendant le débat, votant en leur âme et conscience, mais à titre personnel et sans en faire la publicité, sachant qu'ils avaient leur camp contre eux.
As the House voted to impeach Donald Trump for a second time, the Capitol was ringed by more American troops than are on duty in Kabul or Baghdad. https://t.co/lzloq4wQ2Y
— The New Republic (@newrepublic) January 14, 2021
Si victoire il y a eu ce mercredi soir pour la démocratie américaine, c'est "une victoire à la Pyrrhus" : ça c'est l'analyse de Walter Shapiro pour The New Republic. Le grand mea culpa (ou au moins le sauve-qui-peut) des républicains ne semble pas à l'ordre du jour. Et que penser d'un vote, certes historique, mais qui a eu lieu dans un Capitole littéralement quadrillé par des militaires en armes et uniformes. "Il y avait là, écrit Shapiro, plus de soldats américains que dans les rues de Kaboul ou de Baghdad [...] on se serait cru sur la ligne de front d'une guerre civile dans une démocratie naissante et assiégée".
Donald Trump has spent a lifetime turning near-disasters into brand-building triumphs. Here’s how he could do it once more—unless the Senate breaks the patternhttps://t.co/fPPBi1H51s
— POLITICO (@politico) January 14, 2021
Quoi qu'il en soit, sur le site Politico Michael Kruse ne nourrit aucun doute sur la possibilité pour Trump de rebondir, voire même de se renforcer dans cette nouvelle crise. Le journaliste raconte comment l'homme d'affaires a réussi, à chaque fois qu'on le disait fini et lâché par tous, à transformer la mauvaise presse en force, pour revenir encore plus puissant et se venger de ceux qui avaient cru l'abattre. "Le train Trump (encore cette métaphore) roule à l'adversité, et le risque de toute cette procédure c'est de faire de lui un martyre". Au cours des débats à la Chambre des représentants, une élue démocrate a dit qu'il fallait "extirper le virus Trump, ce parasite toxique, du corps de la démocratie américaine". Michael Kruse de Politico nous met donc en garde contre le risque bien réel de rechute collective.
Un coup d'oeil à présent aux pages "économie" de la presse québécoise...
Pour tenter d'en savoir plus sur cette société canadienne francophone, Couche-Tard qui, on l'apprenait hier, a l'ambition pas négligeable, d'acheter le groupe français Carrefour. Couche-tard, c'est une franchise qui est chère au coeur des québécois, nous explique d'abord le Wall Street Journal, c'est le "dépanneur" par excellence, cette petite épicerie du coin de la rue, celle qui reste ouverte 24h/24 et permet d'acheter de la bière fraîche, des chips ou je ne sais quoi d'autre, au beau milieu de la nuit.
Proposition d'achat de Carrefour | Couche-Tard prêt à allonger 25 milliards pour Carrefour https://t.co/6weAlQmDKS
— La Presse (@LP_LaPresse) January 13, 2021
Alors l'imaginer absorber le mastodonte européen avec ses 14 000 magasins (dont pas mal de très grandes surfaces) et ses 320 000 employés, il y a là une vraie "surprise", reconnaît le journal économique en ligne lesaffaires.com, et il y a surtout "des doutes" sur la stratégie déployée par Couche-tard. Les deux entreprises ne sont pas sur le même secteur de la grande distribution, pas d'économies d'échelle de synergies logistiques à espérer d'un rapprochement entre les deux... Non vraiment, les experts du secteur interrogés par La Presse ne comprennent pas la logique... Sinon à vouloir être toujours plus gros, toujours plus lourd, face à la tempête que fait souffler Amazon sur la distribution mondiale.
Couche-Tard et Carrefour : rien n’arrête Alain Bouchard https://t.co/cGNnOzFbBj
— Radio-Canada Info (@RadioCanadaInfo) January 13, 2021
Toujours plus gros, toujours plus lourd, peut-être est-ce bien cela, l'ambition de Couche-Tard et surtout de son patron Alain Bouchard, "un homme que rien n'arrête" selon Gérald Fillion de Radio Canada. Sous sa direction, le réseau d'épiceries de quartier québécois est devenu un groupe multinational, rachetant des enseignes équivalentes aux Etats-Unis, en Australie et même à Hong-Kong. "Incapable de se satisfaire du statu quo", le roi du dépanneur et de la station service s'attaquerait donc à Carrefour pour satisfaire ses appétits insatiables. Mais la partie est loin d'être gagnée, puisque rappelle Gérald Fillion, l'Etat français a déjà fait savoir qu'il s'opposerait à la transaction si elle devait se confirmer.