Depuis que les Gardiens de la Révolution samedi ont reconnu avoir abattu "par erreur" un avion civil ukrainien mercredi, les veillées funéraires à Téhéran ont laissé place à des manifestations hostiles au pouvoir en place. Le Niger face à l'attaque terroriste la plus meurtrière contre son armée.

Du deuil à la colère, l'Iran est le théâtre depuis samedi d'une nouvelle contestation populaire du pouvoir en place.
Des milliers de jeunes Iraniens, beaucoup de femmes parmi eux, qui manifestaient hier soir encore dans les rues de Téhéran et des princiapes villes du pays, avec ces slogans traduits pour nous par Al Jazeera :
⚡️ Stories you shouldn't miss today - Sunday https://t.co/Ok7XZZMrwx
— Al Jazeera English (@AJEnglish) January 12, 2020
"Mort aux menteurs", voilà ce que crie la foule iranienne, entre autres slogans hostiles en particulier aux Gardiens de la Révolution Islamique et au guide suprême Ali Khamenei. Ce sont eux, les "menteurs", eux qui ont mis trois jours à reconnaître que c'est un bien un de leurs missiles, tiré "par erreur", qui a abattu mercredi un avion de ligne ukrainien juste après son décollage de Téhéran. Parmi les 176 victimes, il faut le rappeler, il n'y avait pas que des Ukrainiens ou des Canadiens comme on l'a beaucoup dit : il y avait aussi 82 Iraniens, et c'est donc par un deuil national que tout a commencé la semaine dernière.
« La honte », titre en une le journal iranien Hamshahri pour son numéro de demain matin, en réaction au crash de Boeing, abattu par des missiles iraniens « par erreur », le 8 janvier, alors que Téhéran menait des frappes contre des bases en Irak abritant les troupes américaines. pic.twitter.com/INTnv1iuII
— Ghazal Golshiri (@GhazalGolshiri) January 11, 2020
Mais, nous dit Al Jazeera, les larmes ont laissé place à la colère quand samedi, sous la pression internationale, les Gardiens de la Révolution ont reconnu qu'ils étaient bien à l'origine de cette "funeste" et meurtrière erreur. Le général Hussein Salami, coimmandant en chef des Gardiens, a eu beau se vautrer depuis dans l'autocritique laromyante, déclarant dans le quotidien Sharhvand qu'il "n'avait jamais eu aussi honte de sa vie, qu'il aurait préféré que ce soit lui et sa famille qui soit à bord de l'avion abattu, plutôt que d'avoir à vivre à cette culpabilité"... ce qu'en retient le journal réformateur Hamshahri c'est que "la honte", et le mensonge rejaillissent sur tout l'Iran... et depuis, la foule de Téhéran scande des slogans tels que "Ni les excuses ni les démissions ne suffiront, il faut des procès" pour les responsables de cette barbarie.
Avant d'être expulsée dimanche d'Iran, la grand reporter américaine Elizabeth Palmer livrait cette analyse à sa chaîne CBSNews :
Reporter's Notebook: Tensions in Iran and the future of the regime https://t.co/zsyNBXCKZtpic.twitter.com/JC8NI9e35U
— CBS News (@CBSNews) January 13, 2020
"Le fait que les Gardiens reconnaissent leur responsabilité a fait l'effet d'une bombe de la part de ce corps d'ordinaire si fier et secret. Cela a peut-être apaisé les critiques internationales, mais ça a aussi mis le feu à celles qui s'expriment à l'intérieur du pays. Les manifestations ont débuté samedi soir à Téhéran avec des centaines d'étudiants qui dénonçaient la corruption et l'incompétence du régime. L'Iran, conclut Elizabeth Palmer, commence la semaine en conflit non seulement avec les Etats-Unis mais aussi avec sa propre population".
Une population iranienne qui saisit donc ce très rare aveu de faiblesse du camp conservateur au pouvoir pour s'engouffrer dans la brèche et en remettre un coup de cette contestation de fond qui avait déjà tenté de s'exprimer au mois de novembre dernier mais qui avait été immédiatemment réprimée dans le sang avec des bilans humains qui font état de plus de 400 morts et 25 000 blessés en quelques jours de révolte tuée dans l'oeuf.
La voilà donc qui se fait à nouveau entendre malgré, nous dit la BBC, la très forte présence policière autour des cortèges de samedi et dimanche, les gazs lacrymogènes tirés par la police anti-émeute pour disperser les manifestants.
Iran: protests and teargas as public anger grows over aircraft downing https://t.co/nfG3mnLhAH
— The Guardian (@guardian) January 13, 2020
A ceux qui pensent que le régime, désormais est en situation de faiblesse et scruté de très près par la communauté internationale, ne peut plus se permettre une répression aussi brutale que celle de novembre, on répondra en citant ce reportage de l'agence américaine Bloomberg sur la nuit de manifestations qui vient de s'achever. Où l'on lit que les forces de sécurité hier soir "ont encore intensifié leurs patrouilles autour des cortèges étudiants, et que certains rassemblements se sont terminés dans la violence et le sang"... sans plus de précisions pour le moment.
L'autre gros titre de l'actualité internationale ce matin c'est le terrorisme au Sahel et l'attitude des gouvernements dans les pays touchés.
En ce jour où les chefs d'Etat de ces pays se retrouvent à Pau en France pour un sommet du G5 Sahel, on s'intéresse plus particulièrement au Niger, le plus durement frappé récemment par des attaques de djihadistes. Jeudi, nous rappelle le site d'info NetAfrique, des dizaines de terroristes avaient attaqué le camp militaire nigérien de Sinégodar, une offensive très organisée avec véhicule équipés d'armes lourdes et motos qui a fait, selon le premier bilan qui a circulé, 25 morts parmi les soldats et 63 côté djihadistes.
Attaque de Chinagoder : le bilan communiqué par le gouvernement fait polémique https://t.co/HD7b9TdRv6pic.twitter.com/lT8Ds1tC5J
— NetAfrique.Net (@netafriquenet) January 12, 2020
Sauf que ce bilan a fait polémique, toute la fin de semaine, nous indique le journal en ligne : en particulier samedi quand les corps des militaires tués ont été inhumés au carré des martyrs du cimetière de Niamey, et où il est devenu très difficile d'ignorer qu'il y avait bien plus de victimes que les 25 évoquées. Ce qui a enflammé la presse nigérienne, c'est le fait que le ministère de la Défense ne fasse aucune communication officielle sur le sujet : il ne l'a fait, sous la pression, que ce dimanche soir, et d'un coup, nous dit l'autre média en ligne Niamey et les 2 jours, le bilan est passé d'une trentaine... à 89 morts.
Niger: le gouvernement confirme la mort de 89 soldats à Chinagoder https://t.co/zrwVzG0jucpic.twitter.com/jK057Vy6H2
— RFI (@RFI) January 13, 2020
Le Niger est bien face à l'attaque terroriste la plus meurtrière au Sahel, lui qui était encore sous le choc de celle, il y a un mois, qui avait vu la mort de 71 soldats sur le camp militaire voisin d'Inatès. Les autorités nigériennes ont menti ou tout au moins ont-elles tardé à reconnaître l'ampleur du massacre, et cela crée un trouble certain dans l'opinion publique, au moment (c'est le média burkinabé Wakat Sera qui l'écrit) au moment où le Niger est plus que jamais "dans l'oeil du cyclone" terroriste au Sahel.
Comme dans les pays voisins, Burkina, Mali, Tchad, les djihadistes s'y sentent de plus en plus forts, car ils "profitent de la porosité des frontières, de la mauvaise gouvernance et des lacunes en stratégie des armées nationales en pleine reconstruction". On est là au coeur des questions qui seront discutées à Pau ce lundi par les présidents ouest-africains et français. Au coeur également de ce qu'écrit le spécialiste défense Pierre D'Herbès dans sa tribune publiée par Jeune Afrique : le succès de l'opération française Barkhane dans la région tient à sa capacité à contrer les djihadistes militairement sur le terrain au moins autant que dans celle d'aider les pays concernés à améliorer leur gouvernance et l'efficacité de leurs armées.
[Tribune] #Sahel : Barkhane, ses résultats opérationnels et ses nouveaux défis https://t.co/Dadl3wXr0J
— Jeune Afrique (@jeune_afrique) January 10, 2020
Une dimension politique au moins autant que militaire de l'opération Barkhane et, tout essentiel qu'il soit, c'est ce volet de l'intervention française qui nourrit aujourd'hui la défiance... aussi bien des opinions publiques africaines que de leurs dirigeants, lesquels ne veulent pas que l'ancienne puissance cooniale leur dise une fois de plus ce qu'ils ont à faire.