Le Panopticon de Jeremy Bentham Le Panopticon de Jeremy Bentham © DR
Le 16 février, l'Assemblée Nationale a voté la loi dite Loppsi 2 qui prévoit, entre autres mesures, le triplement du nombre de caméras de surveillance sur la voie publique en France. Ce nombre passera de 22 000 aujourd'hui à 60 000 d'ici fin 2011. S'y ajoutent toutes celles de la sphère privée, c'est-à-dire celles des magasins ou des entreprises. Il ne fait donc pas de doute que nous entrons rapidement dans la société de surveillance souvent mentionnée par le sénateur Alex Turk, président de la Commission Nationale Informatique et Libertés. Aux Etats-Unis, l'affaire ne semble plus faire grand débat. Certains observateurs, comme Steve Mann, un ancien du Media Lab du MIT, ou l'auteur de science-fiction David Brin, sont déjà passés à l'étape suivante, celle de la sousveillance ou de l'équiveillance. De quoi s'agit-il ? Rien de moins que d'équilibrer la surveillance des citoyens par les autorités à l'aide d'une surveillance des autorités par les citoyens. Ce phénomène s'est d'ailleurs développé spontanément avec l'utilisation de plus en plus massive d'instruments d'enregistrement personnels aux performances très améliorées par le numérique. Appareils photos, caméscopes de poche et, surtout, téléphones mobiles prenant photos et vidéo, sont autant de moyens discrets d'enregistrer les paroles malheureuses d'hommes politiques ou les dérapages des forces de police. Pour Steve Mann qui a travaillé sur les ordinateurs vêtements du MIT, il va de soi que chacun de nous va encore améliorer ses capacités de captation des événements dont il est le témoin. Aux 60 000 caméras de Brice Hortefeux, le ministre de l'intérieur, répondent ainsi les millions de téléphones mobiles des citoyens. Ce principe peut même conduire à l'autoveillance, comme l'a expérimenté un motard qui a récemment filmé ses propres excès de vitesse avec une caméra retrouvée sur le bord de la route par la police. La sousveillance constitue-t-elle le seul moyen de préserver la démocratie dans une société de surveillance? Cette inversion du panoptique du philosophe Jeremy Bentham ne conduit-elle pas à une participation active des citoyens à une société bâtie sur un modèle carcéral ? D'une façon plus générale, quel va être le rôle de ces citoyens transformés en capteurs d'images vis-à-vis de la collecte d'informations destinées aux médias ?