Je suis né dans le Cantal. J’en garde en mémoire des paysages de montagnes d’un vert profond et aux reliefs moutonneux. Aujourd’hui, comme bon nombre de journalistes, je dois travailler à Paris, là où sont la plupart des grands médias. Mais je reste persuadé que l’on peut parler des problèmes qui nous concernent tous avec d’autres perspectives que celles de la capitale. Et pourquoi pas à partir de ce Cantal méconnu.
Loin des caricatures, ce département du sud de l’Auvergne n’est pas le plus à plaindre d’un point de vue de l’accès aux soins. Avec 385 médecins pour 143 000 habitants, ce n’est pas à proprement parler un désert médical. Et pourtant, trouver un rendez-vous avec un ophtalmologue ou un gynécologue, c’est presque mission impossible. Il faut souvent aller à Clermont Ferrand à deux heures de route d’Aurillac.
Les habitants du Cantal sont, comme les autres Français au cœur d’une recomposition de l’offre de soin. Le médecin généraliste n’est plus la pierre angulaire du système de santé. Les jeunes docteurs qui s’installent en libéral ont renoncé aux gardes après 19h. Ils désirent une vie normale. Alors d’autres prennent le relais. Les infirmiers libéraux d’abord qui font les tournées dans des campagnes vieillissantes, assurant les soins quotidiens et orientant les patients dans le système de santé. Les hôpitaux aussi, dont les urgences de ces zones rurales, en particulier la nuit, sont les seuls interlocuteurs pour les maladies bénignes ou sérieuses. Le secteur médico-social qui permet notamment de désengorger les hôpitaux psychiatriques qui ne parviennent plus à faire face à l’afflux de patients. Au milieu de ces grands mouvements, les guérisseurs, cette figure antédiluvienne des campagnes agricoles, pratiquent toujours et soulagent, en dépit de la raison, les maux que nous ne nous expliquons pas.
Et en toile de fond, on parle aussi du Cantal. De cette société qui n’est plus seulement agricole mais qui demeure rurale. Cette société qui s’est transformée sans que personne n’y accorde vraiment d’importance. Et pourtant, on entend encore, dans le fond, le son des cloches de vaches qui paissent sur les montagnes.
Une série documentaire d'Antoine Tricot, réalisée par François Teste