Collection Témoignages : Le Centre Bophana au Cambodge
Un documentaire d’Alain Lewkowicz et Céline Ters
*Prise de son : Laurent Macchietti *

« Comment vivre et envisager l’avenir si on n’a pas de mémoire ? » : c’est pour répondre à cette question que le Centre Bophana, le Centre de Ressources audiovisuelles pour le Cambodge a ouvert ses portes en décembre 2006 au N° 64 de la rue 200 à Phnom Penh. Un lieu entièrement dédié à la reconstitution d’une mémoire nationale dans un pays où, d’avril 1975 à janvier 1979, les Khmers rouges ont tué la culture, la pensée, les âmes et les Hommes. L’ordre ancien devait disparaître au profit d’un ordre nouveau où le passé et ses images n’existaient pas.
Malgré la stabilité retrouvée à la fin des années 1990, le devoir de mémoire n’a jamais été sur la liste des priorités d’un pays exsangue, corrompu , autoritaire où les services publiques n’existent qu’à travers des initiatives non gouvernementales. Comment remédier à la dispersion des archives audiovisuelles et en assurer la restauration et la conservation ? Comment organiser leur collecte systématique au Cambodge et partout dans le monde ? Comment les hiérarchiser, les classer et ne cesser de les nourrir en fixant les images du Cambodge d’aujourd’hui ? Comment raconter le présent d’un pays où l’opposition n’a de réalité que le nom et où la censure est omniprésente ?
Autant de défis qu’ont su relever le cinéaste Rithy Panh et l’ancien directeur du Centre du Cinéma Cambodgien, le réalisateur Leu Pannakar. « L’anonymat dans un génocide est complice de l’effacement ». Une vérité qu’ils rappellent en baptisant le Centre : Bophana. Hommage à une jeune femme : Hout Bophana qui résista à la folie des Khmers rouges en écrivant des lettres d’amour à son mari, Ly Sitha. Arrêtés, ils seront incarcérés à la prison S21 où en 1976, ils seront assassinés par leurs geôliers après avoir signé d’improbables aveux de trahison. En racontant l’histoire de Bophana, Rithy Panh l’arrachait à l’oubli. Dans le Centre, des chercheurs exhument l’Histoire et la rendent accessible à tous les Cambodgiens dans le cadre d’une collaboration étroite avec les institutions nationales. Aujourd’hui, le public peut y consulter librement les archives vidéo, audio et photographiques déjà collectées. En y dispensant une formation professionnelle dans l’audiovisuel, Rithy Panh et ses équipes préparent l’avenir dans un royaume où 75% de la population à moins de 25 ans et souhaite, elle aussi, être « world connected ». Sans doute pour mieux résister à l’oubli. Assurément.

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