L'Epectase de l'Apôtre
"La sexualité est un don de Dieu. La rencontre d’un homme et d’une femme est le grand acte de l’univers." Monseigneur Daniélou

Le lundi après-midi, 20 mai 1974, l’archevêché a d’abord indiqué au monde chrétien que le Cardinal Jean Daniélou avait été terrassé en pleine rue par une crise cardiaque. Puis, un second communiqué affirmait qu’il était mort « chez des amis. » mais qu’est-il arrivé à Monseigneur Daniélou ?
1er épisode : Le cardinal et l'épectase de l'Apôtre
Jean Daniélou est agrégé de grammaire. Il entre au noviciat des Jésuites à Laval en 1929. Il soutient sa thèse de doctorat en théologie en 1943, puis publie quantité d’ouvrages palpitants sur l’histoire des origines chrétiennes, les Manuscrits de la Mer Morte, la Trinité, etc. Il fait l’expert à Vatican II. Il est élu à l’Académie française le 7 novembre 1972, au fauteuil de Mgr Tisserant. Toute sa vie, c’est un porteur intrépide de l’Évangile, un apôtre vibrionnant, d’une fougue à nulle autre pareille, un véritable halluciné de la parole du Christ. Il est de plus perpétuellement bouleversé par l’image de Marie-Madeleine. Ah, Rubens !... Il faut lui reconnaître des vues moins hypocrites que l’essentiel de sa confrérie sur les choses du sexe. Il déclare en 69 : « La sexualité est un don de Dieu. La rencontre d’un homme et d’une femme est le grand acte de l’univers. Je comprends, personnellement, que certains prêtres soient sensibles à la beauté, au charme d’une femme. [...] L’hypocrisie n’est pas bonne conseillère. [...] On attend trop du prêtre et il n’est qu’un homme. »
C'était un homme pugnace qui représentait l’Église avec une grande vigueur ; qui était très débatteur public et en même temps qui était un homme assez conservateur sur le fond. Il était plutôt traditionaliste. (...) Un personnage en pointe de l’Église.
2nd épisode : De l’épectase à la luxure et réciproquement.
C'est une mort dont je ne suis pas certain qu'elle soit une belle mort. On meurt des modifications physiologiques qui accompagnent ce moment. C'est à dire que le cœur s'emballe, il s’accélère de façon assez radicales. le signal physiologie, c'est le plaisir extrême, c'est l'excitation qui grimpe, qui grimpe jusqu'au moment ultime et du coup, le cœur s’accélère, la tension artérielle augmente également, il y a une décharge d'adrénaline qui modifie radicalement la physiologie de l'homme et de la femme. C’est une vraie révolution. le corps se met dans un état quasiment second dans un moment qu'il doit supporter. (...)
Le dimanche 19 mai 1974, Valery Giscard-d’ Estaing est élu Président de la République Française. Au lieu de regarder tranquillement la télévision, son Éminence cabotine au Grand Pardon de Saint-Yves à Tréguier. Il fait en Bretagne une chaleur accablante, et Daniélou virevolte au soleil, toute la journée. Il rentre à Paris un peu fatigué, sans plus. Le lendemain lundi, Gilberte Santoni, née Weber et dite Mimi, vingt-quatre ans, appelle Police-Secours à 15h48 : Mgr Daniélou gît chez elle au 56 rue Delong, inanimé ou presque. Ce lundi après-midi, 20 mai 1974, l’archevêché a d’abord indiqué au monde chrétien que le Cardinal Jean Daniélou avait été terrassé en pleine rue par une crise cardiaque. Puis, un second communiqué affirmait qu’il était mort « chez des amis. » Plus tard encore, le révérend père Costes s’est fendu de cette fameuse déclaration : « C’est dans l’épectase de l’apôtre qu’il est allé à la rencontre du Dieu vivant. »
Épectase... Qu’est-ce à dire ? Il faut poser la question à son éminence Mgr Daniélou lui-même. Dans l’introduction d’un ouvrage théologique cher à notre bouillonnant cardinal, on nous livre le sens d’Épectase : « Au cœur du vocabulaire spirituel de Grégoire de Nysse, ce mot résume la tension de l’âme hors d’elle-même à la rencontre de Dieu. » Nous voilà bien avancés. Daniélou n’était venu voir Gilberte que pour lui donner un peu d’argent, de sorte qu’elle puisse payer l’avocat de son maquereau corse qui croupissait à la Santé pour proxénétisme, précisément. C’est la dernière pirouette connue de l’archevêché. Pour cette affaire, tout au moins. Lorsqu’ils ont su tout ça, les journalistes du Canard Enchaîné s’en sont donné à cœur joie, et l’hermétique mot Épectase a connu grâce à eux un élargissement sémantique très inattendu, au point qu’il signifie aujourd’hui officiellement : mort pendant le coït. De cette merveilleuse mort sont décédés également Félix Faure et Henri Calet. Et tant de bienheureux anonymes.
Avec :
- Claude Angeli, journaliste ; Jean-Marie Pontaud, journaliste ; Emmanuelle de Boysson, petite nièce de Jean Daniélou ; Claude Cancès, ancien patron du 36 quai des Orfèvres ; Philippe Charlier, médecin légiste ; Alain Rey, linguiste ; André Rauch, historien ; Marc Lemonier, écrivain
Un documentaire proposé par Olivier Chaumelle et réalisé par François Teste. Prise de son : Alain Joubert, Hélène Langlois et Jérémy Tuil. Texte lus par Thierry Beauchamp. Archives INA : Inès Barja.
BIBLIOGRAPHIE
- "Luxure : une histoire entre péché et jouissance" par André Rauch. Ed : Armand Colin 2016
-"Les dessous croustillants de l'Histoire de France" par Alain Dag'Naud Edition Larousse
La rentrée d'Une Histoire particulière, c'est la semaine prochaine et ce sera... :
... à écouter le 1er et 02 septembre 2018 à 13h30

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