Sur la scène du théâtre des Mathurins, un homme entre, un chapeau sur la tête. Il est vêtu d’un pardessus qu’il n’ôtera pas. Il entre lentement mais, on devine que le danger le talonne de près. A tout moment, il pourrait repartir, regagner les coulisses, regagner la nuit, regagner le silence.

Cet homme, c’est le romancier Stefan Zweig, revenu d’entre les morts pour raconter aux femmes et aux hommes du 21ème siècle le Monde d'hier, c'est à dire l’Europe du 20ème siècle rongée, ravagée puis anéantie par le nazisme.
Cet homme, c’est l’acteur Jérome Kircher. Il endosse, avec une gravité douloureuse et l'élégance qui le caractérise, les dernières paroles de l’écrivain autrichien. Le Monde d'hier est l'ultime récit de Zweig qui se suicide en 1942, au Brésil. De cette œuvre magistrale, Laurent Seksik a signé une adaptation au cordeau.
Le Monde d'hier de Stefan Zweig avec Jérôme Kircher au théâtre des Mathurins.
Si, je dis sans y prendre garde: «Ma vie», je me demande: «Laquelle de mes vies?» Celle d’avant la première guerre mondiale, d’avant la seconde, ou ma vie de maintenant? Si je me surprends à dire: «Ma maison», de laquelle de mes anciennes demeures j’entends parler, de celle de Bath, de Salzbourg, ou de ma maison paternelle à Vienne; et si je dis «chez nous», je me souviens aussitôt avec effroi que depuis longtemps je n’ai plus de patrie...»
Stefan Zweig, Le Monde d’hier, Souvenirs d’un Européen Traduit de l’allemand par Jean-Paul Zimmermann Ed. Les Belles Lettres
- acteur
- directeur du théâtre de Gennevilliers, auteur, metteur en scène.