Le Yemen, qui s’étend au sud de la péninsule arabique, est le plus pauvre des pays du Moyen Orient et du monde arabe. A l’ouest, il fait face à la corne de l’Afrique à laquelle le relie le golfe d’Aden. Il est bordé par l’océan indien au sud. Sa superficie, un peu inférieure à celle de la France, est quatre fois moindre que celle l’Arabie saoudite, son grand voisin du Nord. Le nombre d’habitants du Yémen, plus de 30 millions d’habitants, est légèrement supérieur à celui du royaume saoudien, et dix fois plus grand que celui d’Oman, dont le territoire prolonge le sien vers le golfe persique.
« Des déserts de pierre ouvrent le Yémen au pied d’un massif rouge flottant presque toujours entre des nuées de lessive. Ce massif cache les champs de l’Arabie heureuse, les jardins et les palais de Sanaa, les populations de plus d’une ville légendaire. (…). Quelle drôle d’idée d’avoir pris racine sur ce rocher ». C’est avec ses mots que Paul Nizan, jeune intellectuel engagé, introduit ses lecteurs au Yémen, dans le chapitre sept d’Aden Arabie, paru en 1932. Je les ai cités pour introduire l’émission de Planète terre sur le Yémen, mercredi dernier. Roman Stadnicki, mon invité, a mis le séjour et le récit de Paul Nizan en écho avec ceux d’Arthur Rimbaud et de Joseph Kessel. L’imaginaire orientaliste fonctionne toujours à plein dans les perceptions sur le Yémen. Mais les clichés qui le constituent ont été réactualisés. Ils sont beaucoup moins littéraires et assez peu poétiques : le Yémen, base arrière du terrorisme d’Al Quaïda, comparé, pour être compris, à l’Afghanistan.
Traversant les clichés, l’émission a évoqué le Yémen comme les journaux d’actualités n’ont pas le temps d’en parler: son système tribal singulier, articulé avec un régime républicain et, explique Roman Stadnicki, plutôt parlementaire. La problématique des ressources s’y pose de façon très particulière: le pétrole y sera épuisé dans la décennie; l’eau manque pour trois raisons: la prolifération du pompage motorisé individuel et de l’irrigation des cultures; la place prise par le qat dans celles-ci; la concurrence d’une urbanisation très rapide. Le qat, cette feuille aux effets euphorisants quand elle est mastiquée occupe une place étonnament importante: tous les après midi près des 4/5ème des habitants, et environ 30% du budget des ménages; sa culture a entièrement remplacé celle du café, le fameux moka. Ce n’est plus trop dans l’air du temps de la science géographique de prendre ainsi un pays pour objet d’étude. Mais j’ai trouvé bon et agréable qu’un géographe veuille bien nous expliquer un peu ce pays discret qu’on connait si peu. Roman Stadnicki aurait eu des choses rares à nous dire sur l’organisation urbaine de Sanaa, la capitale, son objet de recherche. Sa croissance et son fonctionnement valident ils le fameux modèle de la ville arabe, ou s’en démarquent-ils? Dans ses travaux, Roman Stadnicki prend ses distances avec le schéma centre/périphérie, et met en avant le concept d’identité alternante. Tout cela me donne l’envie de faire une émission sur l’urbanisation et l’espace urbain dans le monde arabe. Qu’en pensez-vous?