Amelia Earhart : cinq ans seulement après Lindbergh, traverser l'Atlantique en solitaire
On la surnommait “Lady Lindbergh”. En 1932, seulement cinq ans après la première traversée en solitaire de l’Atlantique par Charles Lindbergh, l'américaine Amelia Earhart en fit de même, en battant de loin le record de vitesse de son prédécesseur.

Traverser l'Atlantique en solitaire, l'aviatrice Amelia Earhart l'a fait, en solitaire en 1932, seulement cinq ans après le célèbre Charles Lindbergh. Femme pionnière, elle est pourtant bien peu connue du grand public, et l'état des archives radiophoniques est révélateur de ce silence. L'histoire de l'aviation n'a en effet retenu que le nom de Charles Lindbergh. A Earhart, on donnera même du "Lady Lindy". Pourquoi "Lady Lindy" ? Officiellement, pour une question de ressemblance avec son homologue masculin... mais un surnom révélateur de son éternel second rôle dans l'histoire.
Dans des archives sonores américaines exhumées en 2010 par France Inter, on retrouve pourtant sa voix, en 1932. Elle venait alors de traverser l'Atlantique :
(Durée : 0'26)
Traverser l'Atlantique en solitaire, un exploit
Le 20 mai 1927, Charles Lindbergh décolle de New York. C’est le premier homme à réaliser la traversée de l’Atlantique, sans escales. Derrière cet exploit, un défi lancé par Raymond Orteig : cet homme d'affaires avait décidé de créer un prix récompensant de 25 000 dollars le premier aviateur qui parviendrait à traverser l’Atlantique en avion lors d’un vol sans escales. Avant lui, d'autres avaient relevé le défi mais en étaient morts, comme Charles Nungesser et François Coli. Le 21 mai 1927, après 33 heures et 30 minutes de vol, Charles Lindbergh atterrit au nord de Paris à l’aéroport du Bourget.
Cinq ans plus tard, jour pour jour, l’aviatrice Amelia Earhart reproduit non seulement l’exploit de la traversée en solitaire, mais elle bat également le record de vitesse de son prédécesseur : elle décolle le 20 mai 1932 d'Harbour Grace au Canada, et se pose, après 14 heures et 56 minutes de vol, dans un pré à Culmore, en Irlande du Nord. Au berger qui lui demande d'où elle vient, elle répond fièrement : "D'Amérique !"
Cet atterrissage dans l'anonymat contraste avec l'arrivée tant attendue de Lindbergh au Bourget dont les archives radiophoniques témoignent. Dans l'émission "Soyez témoins" de 1956, sur les ondes de la Radio-Télédiffusion, des hommes et des femmes présents au Bourget en 1927 racontaient avec émoi l'atterrissage du pilote américain. Un moment d'anthologie : ils y sont encore, écoutez :
(Durée : 30'13)
"Je serai pilote"
Pour Amelia Earhart, tout avait commencé quelques années plus tôt, à l'aérodrome de Long Beach, sur la côté Est américaine, en décembre 1920, avec un baptême de l'air. Elle avait alors vingt-trois ans et montait pour la première fois dans un avion. Pour cette Américaine, originaire du Kansas, c'est une révélation. Elle redescend transfigurée et affirme : "Je serai pilote".
Dès le mois suivant, elle commence les cours d'aviation. Pour pouvoir les financer, elle enchaîne les petits boulots et monte dès qu'elle le peut dans un avion pour décrocher sa licence d'aviation. L'année suivante, en 1922, elle bat un record d'altitude féminin en amenant son avion à 4300 mètres d'altitude. Très vite, son nom circule dans le milieu de l'aviation pourtant très machiste.
En 1928, l'intrépide aviatrice est contactée par le publicitaire et éditeur George Putman - celui qui deviendra trois ans plus tard son mari. Le projet est le suivant : pour travailler aux bonnes relations entre l'Amérique et l'Angleterre, Amy Guest, une milliardaire de Philadelphie, souhaite faire de l'aviation une passerelle entre les deux pays. Sa famille jugeant l'aventure trop risquée pour laisser la milliardaire monter dans l'avion, l'éditeur Georges Putman est missionné pour trouver quelqu'un qui pourra représenter la famille. Celui-ci contacte alors Amelia Earhart, dont il a beaucoup entendu parler. Il lui propose de monter à bord de l'avion aux côtés de Lou Gordon et Wilmer Stulz, deux pilotes masculins. Earhartrejoint l'équipage. Mais elle a beau être officiellement "capitaine de l'expédition", elle est sommée de rester spectatrice dans le cockpit, et n'a pas l'autorisation de tenir les manettes. Sa présence reste finalement purement médiatique, même si elle obtiendra tout de même le droit de prendre les commandes en vol... quelques secondes ! Le vol en direction de l'Europe, décolle le 17 juin 1928. Après 20 heures et 40 minutes de vol, ils atterrissent au Pays de Galles.

Une égérie de l'aviation
Entre les deux traversées de l'Atlantique, la renommée de l'aviatrice va grandissante : elle écrit des articles sur sa passion de l’aviation, s’engage dans la création d’une association de femmes pilote, donne des conférences. Forte de cette première traversée de l'Atlantique qui la laissera frustrée, elle poursuivra en 1932 le nouveau défi qui achèvera de faire d'elle une pionnière : traverser l'Atlantique, en solitaire. Avec aplomb, quelques minutes avant de monter dans son avion Le Vega, elle affirmait ce jour-là :
“Chers amis, proches comme lointains, laissez-moi vous dire que vous allez avoir de mes nouvelles dans moins de quinze heures…”
Devenue une sorte d'égérie de l'aviation, à l'image très médiatique, et s'engageait pour la cause des femmes :
“Je voulais me justifier à moi-même. Je voulais prouver que je méritais au moins une petite part de toute les choses gentilles que l’on a dites à mon sujet. Il y avait d’autres raisons plus fortes que celle-ci… Simplement prouver que les femmes peuvent accomplir la plupart des choses que les hommes accomplissent.”
Femme peu conventionnelle pour l’époque, Amelia Earhart l’était aussi dans sa vie personnelle. Après avoir refusé cinq fois la demande en mariage de l’éditeur Georges Putman, elle acceptera la sixième, mais à certaines conditions s’érigeant contre une vision classique du mariage. Femme indépendante et autonome, elle insistait sur le refus de la fidélité, le partage des tâches et l’autonomie financière. Elle a par ailleurs conservé son nom de jeune fille après le mariage, ce qui était très rare dans les années 1930.
En 1937, cinq ans après sa traversée historique en solitaire, un autre défi d'envergure anime Earhart : faire un tour du monde en solitaire et en avion. Mais celui-ci lui sera fatal. Les dernières traces de l'aviatrice ont été perçues le 2 juillet 1937. Le mystère qui entoure sa disparition fera ensuite couler beaucoup d'encre, participant à sa légende d'une femme qui ne recula devant aucun défi pour repousser les limites des airs et de son époque.
Archives INA - Radio France
Bibliographie
Amelia Earhart Jennifer LesieurGrasset, 2010

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