Matières à penser | Nouvelle formule
"Ecrire la guerre" par Patrick Boucheron du 29 octobre au 2 novembre 2018 Une semaine, un producteur, un thème sur France Culture 22h15 -23h

Ecrire la guerre par Patrick Boucherondu 29 octobre au 2 novembre 2018
Il existe aujourd’hui une nouvelle historiographie de la guerre. Plus proche des expériences combattantes, ouverte aux autres disciplines, diverse dans ses méthodes, globale par ambition. Quittant la vision surplombante du stratège, elle fait récit de la dispersion des témoignages et des points de vue. Voici pourquoi elle croise nécessairement la question de l’écriture. Car au-delà de la récurrence des motifs guerriers, l’écriture de la guerre a une histoire. Elle ne concerne pas que les historiennes et les historiens, mais les écrivains, les gens de théâtre, les artistes et, d’une manière générale, tous ceux qui sont engagés dans le monde. Cette semaine leur est consacrée.
Matières à penser par Patrick Boucheron
De 22h15 à 23h en semaine à l’antenne et sur franceculture.fr
Patrick Boucheron, nouveau producteur de Matières à penser.
Historien, spécialiste du Moyen-Âge et de la Renaissance, Professeur au Collège de France, Patrick Boucheron a publié de nombreux ouvrages. Il est le co-auteur avec Mathieu Riboulet de Prendre dates Paris 6 janvier – 14 janvier 2015 et a notamment dirigé l’ouvrage collectif Histoire mondiale de la France.
Lundi 29 octobre Détruire la langue
Avec Pierre Guyotat, écrivain, dramaturge, auteur de « Idiotie » (Ed. Grasset)
En 1967, Michel Foucault saluait ainsi l’entrée fracassante de Pierre Guyotat en littérature : Tombeau pour cinq cent mille soldats était, disait-il, un livre fondamental de notre époque, car il donnait à comprendre « l’histoire, immobile comme la pluie, indéfiniment itérative, de l’Occident au XXe siècle ». Roman d’apprentissage, le dernier livre de Guyotat, Idiotie, mène son lecteur au bord de ce grand fracas. Il y sera question de la guerre d’Algérie, des prisons et du sexe, et de la guerre que déclara un jour Pierre Guyotat à la langue dans laquelle se proférait des ordres injustes.
Mardi 30 octobre La voix des combattants
Avec Masha Cerovic, maître de conférences à l’EHESS, membre du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC), auteure de « Les enfants de Staline. La guerre des partisans soviétiques, 1941-1944 » (Ed. du Seuil / Prix des rendez-vous de l’histoire de Blois, 2018).
Comment décrire le grand silence qui se fit dans le pouvoir soviétique lorsque les troupes nazies de l’opération Barbarossa bousculèrent en quelques jours de l’été 1941 la glorieuse armée rouge ? Comment dire le courage, mais aussi la cruauté, des 500 000 partisans qui, dans les forêts et marécages de Biélorussie, organisèrent la résistance ? Comment faire entendre la voix des combattants, qu’eux-mêmes consignaient dans des écrits fragiles, sans que le bruit de fond de la grande légende patriotique ne vienne les recouvrir ? C’est à ces défis pour l’écriture de l’histoire que nous convie la discussion avec Masha Cerovic.
Mercredi 31 octobre Du Tibre au Tigre
Avec Zerocalcare, Bédéiste italien, auteur de « Au-delà des décombres » (Ed. Cambourakis).
Qu’est-ce qui nous pousse à écrire une guerre qui n’est pas notre guerre ? Dans son album Kobane Calling, paru en français en 2016 aux éditions Cambourakis, Zerocalcare dessine l’histoire en train de se faire — celle qui se joue à Kobané, dans le kurdistan irakien, où l’armée des femmes kurdes résiste à l’avancée de Daech. Mais le dessinateur est dans son récit, et nous y sommes avec lui. Zerocalcare dresse d’abord le portrait de notre conscience occidentale face aux guerres.
Jeudi 1er novembre Désastres et choses de la guerre
Avec Laurence Bertrand-Dorléac, historienne de l’art. Chercheure au Centre d’histoire de Sciences Po et professeure d’histoire de l’art à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.
« Heureusement que la guerre est si terrible, autrement nous finirions par trop l’aimer » déclarait le général Lee. Et si nous n’aimons plus la guerre, est-ce à l’art de faire la guerre à la guerre ? De L’Art de la défaite, 1940-1944 (Seuil, 1993) à Après la guerre (Gallimard, 2010), Laurence Bertrand-Dorléac n’a pas cessé de s’interroger sur les représentations des Désastres de la guerre, pour reprendre le titre de l’exposition qu’elle organisa au Louvre-Lens en 2014. C’est donc aussi à une leçon de méthode qu’elle nous convie. Comment faire d’une exposition un récit d’espaces ? Comment l’organiser d’une telle manière qu’on prend le parti de Monnet contre Spengler et que l’on écrit à Contre-déclin ?
Vendredi 2 novembre Des machines de guerres
Avec Thomas Jolly, acteur et metteur en scène, directeur artistique de la compagnie théâtrale « La « Piccola Familia »
Le théâtre fut une utopie d’après-guerre — pour réparer, pour reconstruire, pour consoler. Thomas Jolly se sent redevable et solidaire de cette conception d’un théâtre populaire, et voilà pourquoi il se décrit lui-même comme une « machine de guerre ». De Shakespeare à Sénèque, de la Jeanne d’Arc aux cheveux bleus de Henry VI au festin cruel de Thyeste en passant par les enfants du Radeau de la méduse de Georg Kaiser, la conversation avec Thomas Jolly croise ces deux interrogations : que peut l’histoire pour le théâtre, que peut le théâtre pour l’histoire