« Je suis née dans la honte, mais je suis un enfant de l’amour », déclare a la chaine allemande Deutsche Welle l’enfant d’une française et d’un soldat de la Wehrmacht. Elle est née en France occupée en 1943. Aujourd’hui elle a retrouvé sa famille en Allemagne, appris la langue et même obtenue la nationalité allemande. Selon les estimations, il y a, a peu prés 200 000, oui, oui, 200 000 (!) « Allemands potentiels » en France. Les enfants de l’armée de l’occupation…Même si en France on n’en parle pas très souvent, cette pratique allemande, a savoir accorder la nationalité allemande a tous ceux qui ont du sang allemand, n’est pas contestée par le gouvernement français. Il en va tout autrement en Slovaquie.
Le président slovaque Ivan Gašparovič vient de signer une loi stipulant qu’il est désormais impossible à un citoyen slovaque d’adopter une nouvelle nationalité sans avoir auparavant renoncé à la nationalité slovaque. Tel a été sa riposte à la décision du nouveau parlement hongrois d’accorder des passeports hongrois aux plus de 3,5 millions d’hongrois de la diaspora. Les critères sont simples. Ils sont les même qu’en Allemagne : il faut d’une part avoir des ancêtres hongrois et d’autre part maitriser la langue.
Vous avez le droit de vous interroger sur les raisons qui font qu’un pays de 10 millions d’habitants compte autant de prétendants à l’obtention d’un passeport hongrois ? Les voici.
« Vive la Hongrie !» scandent souvent des nombreux manifestants devant l’ambassade de France a Budapest, beaucoup ont des cranes rasés. Ils protestent contre le Traité du Trianon. Ce traité, conclu en 1920 à Versailles, entre les alliés vainqueurs et la Hongrie vaincue à la suite de la Grande Guerre, a retracé radicalement les frontières européennes. La Hongrie a perdu 2/3 de son territoire d’avant guerre et plus de 3 millions de Hongrois se sont retrouvés avec des passeports roumains, yougoslaves, tchécoslovaques, etc. Pendant la 2eme guerre mondiale la Hongrie de l’amiral Horthy, allié d’Hitler, récupère en partie ses territoires perdus, mais en 1945, les frontières fixées au Trianon sont remises en vigueur.
Un héritage historique très lourd donc à gérer. Surtout si on a en tête que la Slovaquie n’est indépendante que depuis 17 ans et qu’auparavant, pendant des siècles, elle a été de facto une colonie hongroise.
Evidemment, on pense toute de suite a l’idée européenne. Tous ces peuples ne vivent plus uniquement dans leurs pays, mais font également partie d’une union des peuples européens ! Bientôt tous dans l’espace Schengen, les frontières vont disparaître…Mais non, les slovaques ne sont pas prêts à laisser à 500 000 de leurs citoyens, 10% de la population, le droit de devenir également les citoyens d’un pays voisin, la Hongrie. On trouve la même allergie juste à coté, en République Tchèque, mais vis-à-vis d’une petite minorité des allemands des Sudètes, majoritairement expulsés après la Deuxième Guerre Mondiale. Mais, entre eux, les tchèques et les slovaques s’accordent facilement pour préserver la possibilité d’être à la fois tchèque et slovaque.
Français d’origine Allemande, slovaques de Hongrie, Allemands des sudètes… Les passés ne sont pas les mêmes dans ces 3 cas … Mais les affaires récentes incitent également à la prudence dans ces questions épineuses de double nationalité. La Russie, par exemple, qui a distribué les passeports de la Fédération aux abkhazes et aux ossètes de sud, s’en est ensuite servie comme d’un prétexte pour envoyer ses troupes en Géorgie « pour défendre ses nouveaux concitoyens ! »
Mais revenons à Bratislava. Pour l’instant on ne voit pas de foules devant l’ambassade de Hongrie. Apres tout, en tant que citoyens de l’Union Européenne, les slovaques de toutes origines peuvent déjà se déplacer et travailler presque partout librement. En revanche, la décision hongroise de rétablir, virtuellement, sa population « d’avant Trianon », sans redessiner les frontières, va beaucoup aider les nombreux juifs d’origine hongroise, installés aujourd’hui souvent loin de l’Union, à renouer les liens avec le pays et…à obtenir ainsi un passeport de l’Union Européen, tant désiré !
Je vais terminer par un poème de Gyula Juhasz « Trianon ». Pour illustrer une idée, selon laquelle le 20eme siècle, commencé en 1914 n’arrive toujours pas a se terminer complètement. « Trianon. Quel triste jour ! Pas besoin de parler, mais continuez d’y penser toujours… »

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