Bygmalion / France Télévisions : Rémy Pflimlin placé sous le statut de témoin assisté
L'actuel PDG de la télévision publique a toujours répété que l'affaire Bygmalion ne le concernait pas. Pourtant, il a été entendu par le juge Renaud Van Ruymbeke sur des faits de favoritisme et prise illégale d'intérêt. La justice s'intéresse aux centaines de milliers d'euros de contrats signés, souvent sans mise en concurrence, par France Télévisions avec des entreprises de Bastien Millot, co-fondateur de Bygmalion.
Dans son enquête, le juge Renaud Van Ruymbeke semble s'intéresser à deux périodes au cours desquelles des contrats ont été signés entre France Télévisions et Bygmalion.
Pour se faire une idée précise sur le nombre et le montant des contrats, il faut en réalité prendre en compte les contrats signés par France Télévisions et toutes ses filiales avec Bastien Millot et toutes ses entreprises.
Une nuance importante sur laquelle a pu notamment jouer Rémy Pflimlin pour mettre à distance, pour un temps, l'affaire Bygmalion.
Au départ, cette affaire concernait Patrick De Carolis. L'ancien PDG (2005-2010) est celui qui a débauché en 2005 Bastien Millot du cabinet de Jean-François Copé, alors ministre du Budget, pour lui proposer de devenir Directeur général délégué à la stratégie et à la communication de France Télévisions.
Après trois ans de service, Bastien Millot exprime le souhait de créer son entreprise. En 2008, il prend un congé sabbatique d'un an, suivi d'un congé création d'entreprise. Une décision payante, puisque Bastien Millot va bénéficier dès le lancement de son affaire, en octobre 2008, de juteux contrats de la part de France Télévisions, alors qu'il est encore officiellement sous contrat avec l’entreprise.
Dans la comptabilité de Bygmalion, que France Culture a pu consulter, France Télévisions apparaît même comme le tout premier client, avec l'UMP, dirigée par un certain Jean-François Copé, et Génération France, le micro parti du même Copé.
Du 27 novembre au 31 décembre 2008, Bygmalion facture 150 000 euros de prestations à France Télévisions : réponses aux courriers et courriels des téléspectateurs, surveillance de la réputation du groupe sur internet, accompagnement stratégique.
La plupart de ces contrats ne font pas l'objet de mise en concurrence, d'où les soupçons de favoritisme. Reste à savoir qui a eu l'idée de signer des contrats avec Bygmalion. Lors d'une confrontation devant le juge en mai dernier, Patrick De Carolis, et Camille Pascal se sont renvoyé la responsabilité. Tous deux ont été mis en examen pour favoritisme dans cette affaire. Le premier en tant qu'ancien PDG, et le second en tant qu’ancien secrétaire général dont la signature figure au bas des contrats.

Plus récemment, Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions depuis août 2010, a été rattrapé à son tour par l’affaire puisque certains contrats avec Bygmalion ont perduré après son arrivée à la tête de la télévision publique.Son numéro 2 de l’époque, Martin Ajdari, devenu récemment directeur de cabinet d'Aurélie Filippetti, a été placé sous le statut de témoin assisté. On retrouve sa signature sur plusieurs contrats passés avec Bygmalion en octobre 2010.Rémy Pflimlin a été à son tour auditionné cette semaine en tant que témoin assisté par le juge Renaud Van Ruymbeke. Avant son audition, il a été mis en difficulté sur l’ampleur réelle des relations commerciales entre France Télévisions et Bastien Millot.
En effet, lors d'une rare prise de parole publique sur le sujet – une interview au journal Le Monde – il assurait avoir mis fin dès son arrivée à plusieurs contrats avec Bygmalion dans une logique d’économie : « nous avons réduit certaines des nombreuses prestations, pas spécifiquement en rapport avec Bygmalion, comme celles des cabinets de conseil en organisation ». Rémy Pflimlin précise avoir conservé et poursuivi deux contrats : « ces prestations correspondaient à des activités nécessaires, notamment pour répondre aux nombreux e-mails et courriers des téléspectateurs. La veille Internet et l'e-réputation, à l'époque, étaient par ailleurs des prestations novatrices, peu répandues. »
Une déclaration juste mais très incomplète, comme nous l’expliquions en juin. La presse a révélé d’autres contrats, passés entre des filiales de France Télévisions et des filiales de Bygmalion.
Au final, sur la base des prestations et des contrats connus à ce jour, et passés entre France Télévisions et les entreprises de Bastien Millot, le montant total s'élève à 2.263.857 euros HT ( 2.668.104 € TTC payés par France Télévisions). Soit 1.288.857 € sous la présidence Carolis et 975.000€ sous la présidence actuelle de Rémy Pflimlin.