Elle s'appelait Mirella Freni mais aussi "Mimi" dans l'opéra de Puccini "La Bohème", ou encore Desdémone dans l'"Otello" de Verdi. Ecoutez la voix de la grande soprano, qui avait partagé le même sein que Pavarotti, s'émouvait du contact avec le public et dont la ligne de chant coulait comme de l'or.
"Si, mi chiamano Mimi" ("On m'appelle Mimi") chantait-elle lorsqu'elle prêtait ses traits à la jolie couturière de l'opéra de Puccini "La Bohème". La grande soprano Mirella Freni est morte dimanche 9 février à son domicile de Modène, emportée, comme Mimi, par une maladie. Elle était l'une des grandes voix de l'"après-Callas" (la cantatrice grecque étant devenue un marqueur chronologique à elle seule) à la Scala de Milan, et une interprète particulièrement chérie par le chef d'orchestre Herbert Von Karajan, qui l'encouragera à se mesurer au rôle de Desdémone dans l'Otello de Verdi.
Pas à pas, un parcours intelligent et exemplaire
Le destin est parfois mystérieux : Mirella Freni était née à Modène la même année que le célèbre ténor italien Luciano Pavarotti, à quelques rues d'intervalle, et partagera avec lui le lait de la même nourrice ; une fraternité qui se prolongera en musique, toute leur vie puisqu'elle le retrouvera très fréquemment sur scène.
C'est avec La Bohème que la chanteuse gagne, à 23 ans, son premier concours, enchaînant ensuite sur un parcours "sans faute, et d'une rare intelligence", comme le saluait le présentateur de l'émission "Intermezzo", en 1992, sur France Culture.
Mirella Freni prend son temps, choisit ses rôles, abordant par exemple tardivement Tatiana dans "Eugène Onéguine" [opéra de Tchaïkovski, NDR]. Sensibilité extrême, dépouillement, sincérité, elle incarne aussi bien Madame Butterfly que Suzanne des "Noces de Figaro", la Léonore de "La Force du destin" que Marguerite du "Mephisto" d'Arrigo Boito.
Si elle aimait le récital et chantait volontiers Pergolèse, Mozart et Scarlatti, le répertoire de prédilection de Mirella Freni était tourné vers l'opéra de la deuxième moitié du XIXe siècle, et notamment vers Boito, Puccini et Verdi.
Une diva modeste et lumineuse... très applaudie à Paris
En 1993, Mirella Freni était à Paris, où elle interprétait l'actrice Adriana Lecouvreur, personnage tragique de l'opéra éponyme en quatre actes de Francesco Cilea (1902).
Passée par le studio 168 de France Culture à cette occasion, dans l'émission Musicomania, elle faisait part, dans un très bon français, de l'émotion qui l'avait étreinte lorsque le public de l'opéra Bastille avait salué sa prestation d'un tonnerre d'applaudissements - au point qu'elle s'était demandée si elle pourrait continuer le spectacle.
Au micro de la productrice Françoise Malettra, qui s'étonnait de sa grande disponibilité et facilité d'approche, la diva confiait encore : "Vous savez j'aime beaucoup le contact humain, je crois avoir une bonne discipline, et quand je dis que je suis là, je suis là ! Je suis vraiment très heureuse d'être ici et de parler avec vous et avec tout le public de France Culture."
Et alors que la productrice lui demandait si elle se sentait l'héritière de Rachel et de Sarah Bernhardt, qui avaient également incarné Adriana... :
Non, non, non, non, non ! Je n'ai jamais pensé ça. Quand j'ai commencé à étudier le rôle, je me suis surtout demandé ce qu'avait voulu Cilea. Naturellement je me suis préparée, j'ai lu toute l'histoire d'Adrienne pour cerner un peu son caractère, porter quelque chose d'elle. Cilea a conservé surtout sa vie privée, la jalousie avec la princesse, les rencontres avec Maurizio, jusqu'à la fin... Cet opéra est extraordinaire car il y a tout dedans. Pour une cantatrice, il y a toutes les possibilités de le chanter, de le jouer... Adrienne a apporté quelque chose de nouveau dans la comédie, du naturel.
Enfin, à propos de sa ligne de chant, qualifiée d'"extraordinaire" :
J'ai beaucoup travaillé pour acquérir cette technique. pour moi ce n'était pas suffisant, j'ai voulu aussi connaître toutes les réactions de mon corps, la musculature, et là pour avoir un rapport juste entre la technique, la voix, le souffle, c'est un grand travail...
Pour clore cet hommage, nous vous proposons de réécoutez les dix minutes de cet "Intermezzo" qui donnait un magnifique aperçu de cette ligne de chant unique, à travers quelques grands airs :
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