1958 | Sixième partie d'une série de dix entretiens avec le réalisateur de cinéma Jean Renoir, au cours duquel il évoque la figure de son père le peintre Auguste Renoir. Il évoque l'enfance parisienne de celui-ci, sa découverte de la peinture d'abord sur céramique puis sur toile à Fontainebleau.

Dans cet entretien enregistré en 1958, le sixième d'une série de dix, Jean Renoir parle de son père, Auguste Renoir, en l'appelant souvent du nom de "Renoir", et voilà ce qu'il dit de lui, se souvenant de l'avoir toujours vu en mouvement jusqu'à ce que la maladie l'en empêche :
Renoir avait été l'homme qui courre partout, l'homme pour qui les distances ne comptent pas. Il avait envie d'aller en Italie, il ne prenait même pas un pardessus, il allait à la gare, il achetait un billet de chemin de fer et il allait en Italie, ou n'importe où. Ces voyages, dans son esprit, étaient une distraction, une façon aussi de prendre des notes mais n'étaient pas des lieux de peinture. Mon père prétendait que l'on peint mieux dans un endroit où l'on reste tranquille et dans un endroit dont on s'est imprégné. Il ne croyait pas au mouvement pour le travail. Mais il croyait au mouvement pour sa propre santé et pour sa propre joie dans la vie.
Jean Renoir évoque alors la maladie de son père qui a fini par le paralyser des jambes et livre un souvenir émouvant d'Auguste Renoir refusant de suivre les indications de son médecin pour retrouver l'usage de ses jambes :
Je renonce à marcher parce que cela me demande une telle force de concentration, une telle volonté que si je me mettais à vouloir marcher, je crois qu'il ne me resterai plus de volonté pour peindre. Et bien entre marcher et peindre, j'aime mieux peindre. Auguste Renoir
Dans cet entretien, Jean Renoir relate l'enfance de son père, telle qu'il la lui a racontée, alors qu'il habitait dans une bicoque certes rudimentaire mais non loin du Louvre où il pouvait apprécier la beauté des monuments et sculptures.
Mon père est essentiellement un produit de Paris. Il me disait constamment que toute sa conception des valeurs, sa conception de l'équilibre des choses, de l'équilibre des couleurs, il la devait à son enfance parisienne. Paris était d'ailleurs encore un peu la campagne comparé à ce qu'il est devenu depuis.
Il raconte ensuite les débuts de son père dans la peinture alors qu'il avait une douzaine d'années : "Le premier métier de mon père fut d'être peintre sur porcelaine." Mais le progrès technique de l'impression lui fit perdre son travail. Doué pour la peinture, Auguste Renoir fréquente alors l'Ecole des Beaux Arts et s'entoure de peintres comme Frédéric Bazille, Camille Pissaro, Claude Monet avec lesquels il se rendait dans la forêt de Fontainebleau pour y "peindre sur nature". C'est là-bas qu'il croisa le peintre Narcisse Díaz, qu'il admirait beaucoup, et qui lui aurait dit : "C'est pas mal ce que vous faîtes, seulement vous avez vraiment tort de me copier. Vous avez votre personnalité. Je crois que vous réussirez pas mal dans la couleur."
- "Mémorables" avec Jean Renoir 6/10
- Première diffusion le 14/05/2001
- Producteur : Jean Serge
- Indexation web : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France
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