Disparition | Reconnu pour son art du pastel et de l'aquarelle, Sam Szafran a été fortement inspiré par le travail de son ami Alberto Giacometti. L'artiste d'origine polonaise est décédé samedi, à l'âge de 84 ans.

Il avait fait des escaliers tortueux et des serres verdoyantes ses thèmes de prédilection. Reconnu pour son art du pastel et de l'aquarelle, Sam Szafran a été fortement inspiré par le travail de son ami Alberto Giacometti. L'artiste d'origine polonaise est décédé samedi, à l'âge de 84 ans. Réécoutez-le dans l'émission "Du jour au lendemain", répondre au micro d'Alain Veinstein en 2008.
Né le 19 novembre 1934 à Paris, de parents émigrés Juifs polonais, Sam Szafran -de son vrai nom Sam Berger- connaît très tôt les atrocités de la guerre. S'il échappe en 1942 à la rafle du Vel d'Hiv, il est emprisonné quelques mois plus tard à Drancy, avant d'être libéré à l'âge de 10 ans. Son père et une grande partie de sa famille ne réchappent pas des camps d'exterminations. Le petit Sam Szafran quitte alors la France pour l'Australie, où il trouve refuge.
Une vie d'artiste bohème
À peine majeur, il revient en France pour mener une vie d'artiste bohème. Il s'inscrit à l’Académie de la Grande Chaumière à Paris, où enseigne Henri Goetz. "Le fait que je veuille devenir peintre, c'était un vrai problème pour ma mère, parce qu'elle considérait que ce n'était pas un métier. J'ai découvert l'oeuvre de l'écrivain italien Curzio Malaparte qui décrit les cadavres gelés comme les sculptures de Giacometti, et ça m'a frappé. Je me suis alors passionné pour Giacometti", confie Sam Szafran sur France Culture. Contre l'avis de sa famille, il prépare son entrée aux Beaux-arts mais échoue au concours d'admission. Une terrible déception qu'il mue vite en force : "Au départ, j’ai été très très aigri de mon échec aux Beaux-Arts. Et puis, par la suite, je me suis rendu compte que j’avais eu beaucoup de chance. J’y ai gagné la liberté", confiait-il au Figaro. Un temps adepte de l’abstraction, Szafran repasse vite à la figuration, et fait de la pastel son outil favori. Il se passionne alors pour les escaliers tortueux, les serres foisonnantes et verdoyantes, ou encore les ateliers d'artistes, qui deviennent ses thèmes de prédilection. A la fin des années 1950, il fréquente alors les cafés de Saint-Germain, où il rencontre du beau monde : Calder, Beckett, Klein, Tiguely... et surtout Giacometti.
La rencontre décisive avec Giacometti
La rencontre décisive avec Giacometti l'emmène de ses pastels et gouaches à l'architecture tournante, aux atmosphères hitchcockiennes, avec cette même quête de liberté. "Avant notre rencontre, j'avais découvert son travail dans une galerie, et il me fascinait. Je suis devenue fan, groupie, comme les groupies de Johnny Halliday ou Claude François. Je tournais autour de l'atelier, dans l'espoir de le voir", confiait-il à Alain Veinstein sur France Culture. Les deux artistes se rencontrent finalement dans le bar du Dôme, à Paris. "On a passé la nuit à discuter, c'était extraordinaire. Je revenais à la figuration et j'expliquais à Alberto qu'avec ma naïveté de jeune homme, je n'y arrivais pas. Et je crois que ça l'a séduit." Le sculpteur italien devient son ami et son maître de référence. C'est grâce à son appui que Sam Szafran se voit dédier sa première exposition individuelle en Suisse, en 1965. Dans les années 1970, Sam Szafran poursuit son travail autour des escaliers et des villes qu'il fait figurer sur des grands formats, mis à l'honneur dans une rétrospective à la Fondation Gianadda, en 2013.
Réécoutez le peintre Sam Szafran au micro d'Alain Veinstein, dans l'émission "Du jour au lendemain", diffusée sur France Culture en 2008. Il évoquait alors ses débuts en tant qu'artiste au cours des années 1950, son admiration pour Giacometti ou encore sa rencontre avec Pablo Picasso :
Alberto Giacometti cherchait l'émotion première. Il disait souvent : "Je n'y arrive pas. Suis-je dans la bonne voie ?" Il était obsédé par l'idée de trouver l'essentiel. C'est un homme qui avait des lettres. Il se remettait sans cesse en question, comme tous les grands.
Picasso était méchant avec les gens qui avaient du talent. Mais il disait une chose très juste "Giacometti a inventé une chose nouvelle : l'homme dénudé du superflu".
Au début des années 1960, on a été confrontés à la nouvelle figuration et la peinture américaine. C'était d'une confusion totale.
Un jour j'ai eu la mauvaise idée de dire à Giacometti que je n'aimais pas Cézanne. C'est comme si je l'avais assassiné. Il m'a engueulé, j'étais presque au bord des armes. C'était une vraie gifle pour moi. Il m'a traité de "crétin", de "sot". Et je lui ai dit "Quoique vous me disiez, je vous vénère". Il était surpris.
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