En lice pour être Premier ministre britannique, Boris Johnson détonne. Longtemps vilipendé au sein de son propre parti conservateur pour ses frasques, sa grossièreté et une certaine malhonnêteté, il s’est malgré tout imposé comme l’homme de la situation en plein Brexit. Entre clown et homme d’État.

"Boris Johnson est un renard rusé déguisé en ours en peluche. Il est très intelligent et très sympathique." La description est signée Conrad Black, ami et ancien propriétaire du Daily Telegraph, pour lequel il a longtemps travaillé. Des qualités qui ont aidé le député conservateur, ancien maire de Londres, à être aujourd'hui le favori pour devenir le prochain Premier ministre britannique.
Un journaliste souple avec la vérité
La carrière de "BoJo" a d'abord été journalistique. Un premier chapitre de sa vie déjà ponctué par les outrances et les mensonges.
Passé par The Times, il est licencié en 1988, après seulement un an au sein du célèbre quotidien de centre-droit, pour avoir publié en Une du journal une citation sulfureuse, attribuée à un historien, sur la vie personnelle du roi Edouard II. Problème : en plus d'être fausse, l'historien n'a jamais tenu les propos en question.
Plus tard, en 2002, il reviendra sur ce "désastre" : "De toutes les erreurs que j'ai faites, je pense que c'est le sommet." Dix-sept ans après ce bilan d'étape, Boris Johnson semble avoir accumulé quelques "erreurs" supplémentaires.

Après son licenciement du Times, il rejoint pour quelques mois le Wolverhampton Express and Star pour lequel il se distingue en écrivant plusieurs articles à l'emporte-pièce, notamment un sur les chômeurs vivant au crochet de la société. Il reconnaît un "commentaire irrité" rédigé après avoir rencontré un vendeur de tondeuses à gazon ne trouvant pas de salarié alors que le taux de chômage dans les années 80 atteint des records.
Sa victime favorite : l'Union européenne
Très vite, Boris Jonhson rejoint le Daily Telegraph, journal conservateur qui l'envoie à Bruxelles en tant que correspondant. Johnson s'en donne à cœur joie et décrit dans ses articles une Communauté Économique Européenne (ex Union européenne) faite de gabegie, de réglementations ubuesques, et de complots anti-britanniques. Sa plume fait sensation auprès du lectorat conservateur et europhobe du journal. Peu importe si les articles en question sont exagérés ou carrément faux.
A la toute fin des années 90, il devient rédacteur en chef du très conservateur The Spectator (appartenant au Daily Telegraph) où il brille par son absence son manque d'implication.

Malgré un engagement à ne pas mélanger les genres, il brigue un siège de député au parti conservateur qu'il remporte en 2001. Ce qui ne l'empêche pas de continuer à cumuler avec son poste de rédacteur en chef, alors qu'il s'était engagé à ne pas le faire. La méthode Johnson fonctionne aussi bien dans les médias qu'en politique.
Toujours friand de commentaires acerbes, il accuse à tort des supporters de Liverpool d'avoir provoqué un mouvement de foule meurtrier (96 spectateurs morts) lors d'un match de football à Hillsborough.
Côté vie privé, il nie publiquement les accusations de relations extraconjugales avec une journaliste du Spectator, dont il est le chef hiérarchique. Dénégations réitérées face au leader du parti conservateur qui l'avait nommé à un poste au sein de la direction des Tories. Mais la relation extraconjugale est confirmée. Boris Johnson est exclu.

Boris Johnson n'en reste pas moins un personnage sympathique aux yeux de l'opinion publique. Au milieu du personnel politique, ses blagues et son style négligé tranchent avec la sévérité de ses collègues. Dans un documentaire diffusé en 2013 sur la BBC (L'irrésistible ascension de Boris Johnson), on prête à David Cameron, alors chef du parti conservateur et ancien camarade d'Oxford, l'idée de lancer Boris Johnson dans la course à la mairie de Londres en 2008. L'idée étant d'éloigner un collègue embarrassant et de lui confier une mission quasi impossible : remporter une ville traditionnellement en faveur du camp travailliste.
Un ambitieux
Mais en 2008, Boris Johnson remporte la mairie de Londres. Des images qui restent de lui, il y a sa chute dans une rivière, face aux caméras des journalistes invités à suivre le nettoyage du site. Ou encore les pénibles minutes passées à attendre d'être libéré d'une tyrolienne, casque sur la tête et drapeau britannique dans chaque main.
"Il était très intelligent et très sympathique" dit de lui Max Hastings, ancien propriétaire du Daily Telegraph. Des qualités accompagnées d'un caractère de compétiteur qui vont le pousser à voir plus loin que la mairie de Londres. Dès 2013, il avoue dans le documentaire de la BBC qu'il aimerait être Premier ministre, tout en précisant que cela n'arrivera pas.

En 2016, il s'engage pleinement dans la campagne en faveur du Brexit. Il enchaîne les meetings à bord d'un énorme bus rouge sur lequel est inscrit un slogan : "Nous envoyons 350 millions de livres sterling chaque semaine à l'Union européenne. Finançons plutôt notre Sécurité Sociale". Le slogan devient très populaire. Mais aussi mensonger. D'un point de vue financier, la contribution nette de la Grande-Bretagne à l'UE est bien moins importante.
Après la victoire du Brexit, et après la démission de David Cameron, Boris Johnson ne souhaite pas se présenter au poste de Premier ministre auquel incombe la lourde tâche de négocier la sortie de l'Union européenne. Theresa May se retrouve propulsée à ce poste en 2016. Boris Johnson n'est pas loin. Il est nommé ministre des Affaires étrangères.

"Un homme politique dangereux"
Une aventure relativement courte puisqu'il démissionne au bout de deux ans, suite à des divergences de vue dans la manière dont le Brexit est négocié par Theresa May. Une partie de la presse britannique qualifie ces deux années au Foreign Office de "lamentables".
Après avoir rendu la vie infernale à Theresa May sur le dossier du Brexit, Boris Johnson est finalement sur le point d'atteindre son Graal. Mais des observateurs de la politique britannique s'inquiètent de son arrivée à la tête du gouvernement britannique.
"Je pense que Boris Johnson est un homme politique dangereux. Le genre d'individu qui veut être aimé et pas simplement apprécié. Il est prêt à tordre la vérité, et rien ne dit qu'il pourra résoudre nos problèmes" dit de lui Adrian Woodridge, journaliste politique pour The Economist.