Mégaphone à la main, depuis le balcon de la préfecture de la Guyane, la ministre Ericka Bareigts a présenté cette nuit "toutes mes excuses au peuple guyanais", en référence aux années de sous-investissement de Paris. Applaudissement de la foule, mais vigilance des collectifs.

La scène est inédite, voire historique. Une ministre des Outre-mer qui s'excuse, par mégaphone, au balcon de la préfecture de la Guyane :
Au bout de tant d'années d'histoire, c'est à moi que revient l’honneur de dire au peuple guyanais, au-delà de ma personne, de ma petite personne, au-delà des fonctions, toutes mes excuses au peuple guyanais. Pour qu'ensemble nous puissions construire le quotidien, mais aussi l'avenir de la Guyane. J'espère que le travail que vous avez engagé, que nous avons engagé ensemble portera la Guyane plus haut.
Ericka Bareigts était sous le feu des critiques pour son manque de réaction, au début de la crise en Guyane, il y a une dizaine de jours. Sa volte-face spectaculaire a permis de faire redescendre la pression. Car hier, à Cayenne, avant de s’asseoir à la table des négociations, les collectifs de Guyanais avaient d’abord imposé leurs conditions. 400 pages de propositions, de revendications sécuritaires, économiques et sociales, ont été transmises, également, sur place au ministre de l'Intérieur Matthias Fekl.
Des heures de négociations et d'interruptions, avant donc, ces excuses inédites de la ministre des Outre-mer. José Mariema, le porte-parole du collectif des Toucans, invité à la table des négociations, a raconté les coulisses de ce tour de force à nos envoyés spéciaux, Gaële Joly et Eric Audra.
Nous lui avons demandé gentiment, Madame la ministre, le peuple guyanais a été froissé, et nous vous demandons des excuses. Bien gentiment. Elle l'a fait et cela s'est très bien passé.
José Mariema, porte-parole du collectif des Toucans
Les excuses de la ministre des Outre mer ont bouleversé les Guyanais. Le journaliste de Guyane 1ere s'est presque étouffé pendant son live! pic.twitter.com/ZLewGC6UAi
— Gaële Joly (@joelgaly) March 30, 2017
Mais Zadkiel Saint-Orice, un des porte-paroles du collectif des 500 frères contre la délinquance, restera vigilant :
Les excuses étaient une exigence de la population. Maintenant, il y a les revendications, sur lesquelles nous sommes fermes. Ils n'ont proposé que des choses existantes. Ils ont été très légers. On leur a dit : il ne faut pas travailler sur vos propositions, il faut travailler sur nos revendications.

Des excuses d'un président ? Pour la République ?
Plus largement,comment comprendre ces "excuses" ? Elles qui commencent par "Au bout de tant d'années d'histoire". Pour Stéphane Robert, de notre service politique, ces mots de la ministre résonnent de manière toute particulière en cette fin de quinquennat.
Invité de notre journal de 12h30, François Asselineau, candidat de "l'Union Populaire Républicaine" à l'élection présidentielle a réagi à cet événement.
D'abord, je suis choqué par l'expression "peuple guyanais". Il n'y a pas de "peuple guyanais" dans la République. Il y a un peuple français. Vous vous rappelez que lorsqu'il y a un certain nombre d'années il avait été question d'un projet de loi avec "peuple corse", cela avait été retoqué par le Conseil constitutionnel qui avait refusé cette expression. Donc, c'est un peu contradictoire d'évoquer la République française et de parler du "peuple guyanais". Et puis, ces excuses sont en partie largement justifiées parce que, effectivement, la République ne fait pas son devoir en Guyane !
ECOUTER NOTRE SÉRIE DE DOCUMENTAIRES CETTE SEMAINE SUR LA GUYANE
- Vivre en Guyane (1/4) « Cayenne la piqueuse* ! »
- Vivre en Guyane (2/4) L'école au gré des langues
- Vivre en Guyane (3/4) « Un fleuve en partage »
- Vivre en Guyane (4/4) « Oka*? Quelles nouvelles d’Amazonie ? »
A LIRE Outre-Mer : "Regardez l'incarnation officielle de la France à la télé, à la météo. Il n'y a que l'Hexagone et la Corse !" (Entretien avec Claudy Siar)
