
Il était mieux connu sous son nom de plume. Pierre Ryckmans, alias Simon Leys, s’est éteint à 78 ans à Canberra, en Australie, où il vivait et avait enseigné la littérature chinoise.
Ecrivain et sinologue de renom, Pierre Ryckmans découvre la Chine à l’occasion d’un voyage au sein d’une délégation belge, en 1955. Il a alors 19 ans. Diplômé de l’université de Louvain en droit et histoire, il poursuit ses études à Taïwan, Singapour et Hong-Kong, où il découvre et comprend la Chine de Mao.
C’est en publiant « Les Habits neufs du président Mao » que naît en 1971 le personnage de « Simon Leys », que Pierre Ryckmans créé sur les conseils de son éditeur afin de ne pas se voir interdire l’accès à la République populaire de Chine. Dans cet essai (dont le titre fait référence au conte d’Andersen « Les Habits neufs de l’empereur »), l’écrivain dresse un portrait féroce et une critique précoce de la Révolution culturelle chinoise de la fin des années 1960. Il y dénonce surtout les motivations de Mao qui souhaite, selon lui, récupérer le pouvoir qu’il s’est vu en partie confisquer par le Parti communiste chinois.
Le sinologue est alors l'un des premiers Européens à souligner le caractère répressif du régime communiste chinois, ce qui lui vaut les foudres des milieux maoïstes français de l’époque, et notamment l’inimitié de la revue Tel Quel. Le journal « Le Monde » l’accuse de diffuser des mensonges fabriqués par la CIA. « Je pense… que les idiots disent des idioties, c’est comme les pommiers produisent des pommes, c’est dans la nature, c’est normal. »jugeait ainsi l’écrivain à propos de ceux qu’il qualifiait de « maoïstes mondains ».
Seul sinologue de l’Académie royale de Belgique (où il occupait le fauteuil de Simenon), ses ouvrages ont fortement contribué à démythifier « Le Grand Timonier ». Il faut cependant attendre les années 1980 et les massacres de Tiananmen pour que le travail de Simon Leys soit véritablement reconnu comme précurseur. En 1981, son pamphlet « Ombres chinoises » obtient ainsi le « Prix Quinquenal de l’essai ».
Loin de ne s’intéresser qu’à la Chine, Simon Leys se consacrait également à la littérature, comme l'a montré son ouvrage “Protée et autres essais” (2001, Prix Renaudot de l’essai), mais aussi à la mer. Membre de l’association des écrivains de la Marine, il avait reçu en 2003 le prix Guizot pour son ouvrage “Les naufragés du Batavia”.
Son dernier essai publié en 2012, “Le Studio de l’inutilité”, recueil d’articles et d’interventions de l’écrivain, reprend les trois grandes passions de Pierre Ryckmans. Il y parlait, pêle-mêle, de littérature, de mer et de la Chine avec l’ironique intelligence dont il a toujours su faire preuve au cours de sa quête de vérité.

> L'été dernier, l'un des épisodes de la Grande traversée sur "l'Ombre de Mao" par Alain Lewkowicz rendait hommage à la figure de Simon Leys :
> Mercredi 13 août, La Grande table d'été évoque Simon Leys