Marcheurs et Insoumis à la conquête des vacanciers
Reportage | Depuis des années, des caravanes de militants politiques partent en tournée d'été à la rencontre des citoyens et sympathisants, sur les hauts lieux des vacanciers. La République en marche et la France insoumise viennent de s'y mettre pour tenter de maintenir l'élan de ces derniers mois.

Le parti au pouvoir et son principal opposant revendiqué n'ont pas failli à une déjà vieille tradition : la tournée d'été. Elle s'est multipliée ces dernières années avec quantité de produits dérivés en poche pour séduire les vacanciers : bonbons, crayons, tongs, ballons de rugby et même préservatifs. La République en marche et la France insoumise sont partis plus classiquement au bord des plages et sur les marchés.
Comment remobiliser les militants, une fois passée l’euphorie de la campagne présidentielle ? Comment continuer à faire exister un parti politique durant l’été ? C’est avec cette double ambition qu’Aziz-François Ndiaye, référent de la République en marche (LREM) dans les Yvelines, a décidé, au début du mois d’août, de partir à la rencontre des Français sur les plages. Avec sa caravane, l’entrepreneur de 45 ans s’est arrêté à Marseille, Toulon, Hyères, Ramatuelle, Sainte-Maxime, Nice ou encore Palavas-les-Flots, près de Montpellier, où s'est rendue Valentine Joubin :
T-shirt rose, pancarte bleue, logo jaune de la République en marche : Aziz-François Ndiaye mélange les couleurs mais aussi les genres. Aux plagistes de Palavas-les-Flots, le marcheur versaillais distribue le cahier d’été téléchargeable édité par LREM : "Il y a du coloriage mais aussi des articles sur le climat, sur la rentrée scolaire, une interview du ministre de l’Education (…)", détaille le souriant militant, tel un vendeur de plage. Le cahier bleu rencontre un certain succès auprès des parents. Ils ne sont pas contre une alternative aux châteaux de sable mais ne sont pas dupes de la démarche politique. "C’est un peu de la publicité, mais c’est pédagogique, c’est bien. C’est pour continuer à exister', commente un vacancier, père de trois enfants.

Aziz-François Ndiaye ne cherche pas particulièrement à provoquer le débat et pourtant, un échange moins courtois a rapidement lieu. Deux retraitées, allongées sur leur serviette refusent le cahier tendu : "En Marche, ne m’en parlez pas. C’est terminé !", lance l’une d’elle. Les deux femmes reprochent au gouvernement d’Emmanuel Macron d’avoir augmenté les impôts, en particulier la CSG. "On a des enfants, des petits-enfants, il faut qu’on s’en occupe parce que, les pauvres, ils ont des difficultés".

"Justement, leur répond calmement Aziz-François Ndiaye, pour financer l’augmentation de pouvoir d’achat des jeunes salariés, on demande un effort national." Des efforts, les deux retraitées estiment en avoir déjà trop fait et la discussion tourne au dialogue de sourds.
Quelques serviettes de plage plus loin, Aziz-François Ndiyae doit faire face aux critiques d’un électeur de la France Insoumise pour qui "la loi sur la moralisation, c’est que du pipeau pour l’instant". Mais le marcheur versaillais ne quitte pas son sourire, "Les Français veulent tout, tout de suite, à nous de leur expliquer le projet qui est derrière". "On en reparlera dans cinq ans", conclut-il.

Cette démarche pédagogique, comme il l’appelle, Aziz-François Ndiaye va la poursuivre de Montpellier à Dunkerque d’ici la fin de l’été.
Au départ de la France insoumise au marché du Val Fourré
Les Insoumis viennent eux aussi de se lancer dans leur tour de France. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon va sillonner le pays grâce à deux caravanes. Avec 32 villes-étapes où les militants vont à la rencontre des habitants avant un grand rassemblement prévu à Marseille. Il s'agit de galvaniser les troupes en vue de la manifestation prévue le mois prochain contre le projet de loi de la réforme du travail. David Ravier était dimanche dernier au départ d'une de ces caravanes à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines :

Sur la place du marché du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, difficile pour Juliette d'attirer le regard des passants. Cette militante sait bien que la motivation des Insoumis et des habitants s'est émoussée après le revers des élections législatives. Et si la plupart des réactions sont sympathiques, nous sommes dans un bastion de la droite depuis plus de 20 ans. Mais les Insoumis n'ont pas choisi leur point de départ au hasard : Jean-Luc Mélenchon est arrivé ici en tête à l'élection présidentielle avec 34% des votes et il s'agit de faire changer les mentalités dans la durée. Quant à Juliette, elle estime la contestation contre la réforme du travail trop importante pour baisser les bras :
Il faut rester mobilisés. Et il faut mobiliser les gens parce qu'il y a aussi beaucoup de gens qui ne s'intéressent plus à la politique. Ils n'y croient plus et quelque part je le comprends parce que cela fait des années que l'on se fait avoir, que c'est toujours les avantages pour les mêmes, et toujours les mêmes oubliés.
Alors, comme ses collègues, elle distribue des tracts et prend le temps d'écouter les avis de chacun. Et si ces derniers temps, le contact est difficile avec les habitants, certains d'entre eux restent toujours curieux de débattre, explique Denis, un autre insoumis qui a embrassé les idées du mouvement lors de la présidentielle : "Il y a des gens, dès qu'ils voient le petit logo de la France insoumise, tout de suite ils savent de quoi on va parler donc ils viennent vers nous, spontanément."
C'est le cas de Jeannine, une habitante du centre-ville de Mantes-la-Jolie. Sans totalement adhérer aux idées, la femme de gauche qui vibre en elle n'est pas insensible aux projets portés par les militants :
Je suis venue exprès sur la dalle pour rencontrer la France insoumise. Je n'ai pas voté pour lui, mais ce qu'il dit est intéressant et je pense que j'irai à la manif. Je ne suis pas d'accord sur les ordonnances, sur le contenu, même si je me dis qu'il faut faire quelque chose autour du travail, c'est certain. Tout bouleverser comme ça, et par ordonnances, ça ne va pas.
Commerçant, Mohammed y voit lui une démarche opportuniste : "Qu'il vienne (JL Mélenchon) chercher ses électeurs un peu populaires, dans sa manière populiste de faire de la politique, l'un rejoint l'autre, c'est juste logique en fait ! De mon point de vue, venir exploiter un petit peu cette misère sociale, cet énervement quelque part, c'est un opportuniste. C'est exactement le terme."


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