Les mercredis 10 et 17 février, guidé par Fernand Verger , Planète terre évoquait un tour de France des marais, des estuaires et des deltas. Ces deux émissions sont en écoute en ligne respectivement jusqu’au 10 et 17 mars. Fernand Verger a publié cet automne Zones humides du littoral français , aux Editions Belin, avec la collaboration de Raymond Ghirardi pour la cartographie. C’est une somme de connaissances et d’explications, attrayantes, colorées et ordonnées, le livre d’une véritable passion communicative pour les marais. Le chapitre 13 est consacré au marais Poitevin et à l’anse de l’Aiguillon . Fernand Verger, est géographe, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, et conseiller scientifique du Conservatoire du littoral. Les zones humides, d’un point de vue géographique, ce sont les terrains du littoral qui sont naturellement inondables, y compris ceux qui sont artificiellement tenus au sec. Il s’agit donc des marais, des polders, des estuaires, des lagunes et des deltas. Nous étions loin de nous figurer que les littoraux charentais et vendéens feraient tragiquement la une de l’actualité dix jours plus tard. J’entends encore Fernand Verger expliquer que l’anse de l’Aiguillon fut il y a quelques milliers d’années un golfe. Un golfe aussi grand que l’est le marais Poitevin aujourd’hui : le golfe des Pictons .
Réserve naturelle: Baie de l'Aiguillon Réserve naturelle: Baie de l'Aiguillon ©Remi Jouan/wikipedia
J’ai joint aujourd’hui Fernand Verger par téléphone. Je lui ai posé **trois questions : êtes vous surpris par [l’ampleur de cette inondation ](http://www.linternaute.com/actualite/depeche/photos/2153/683932/tempete_xynthia_dernier_bilan_de_52_morts_premieres_obseques_aujourd_hui.shtml)et ses conséquences irréparables ? La polémique sur l’attribution des permis de construire est elle justifiée ? Les autorités auraient-elles dû donner l’ordre d’évacuer ?**
Non seulement il n’est pas surpris, mais sa réponse a de quoi attiser la colère. Dans un petit livre édité en 2008 par Acte Sud et le Conservatoire national du littoral, *[L’Anse de l’Aiguillon](http://www.conservatoire-du-littoral.fr/front/process/Content.asp?rub=5&rubec=263&detpduit=7311&typepduit=27)* , Fernand Verger a écrit des pages hélas prémonitoires. C’est page 43, m’indique-t-il. Prenant la mesure des mémorables inondations de 1940 et de 1999, il écrit : elles se sont produites lors de marée de coefficient modéré on n’ose imaginer ce qui se serait produit avec un fort coefficient. « Ce qui m’a désolé, poursuit Fernand Verger, c’est ce que l’inondation affecte les [maisons habitées](http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2010/03/02/la-faute-sur-mer-et-l-aiguillon-victimes-d-une-urbanisation-galopante-depuis-trente-ans_1313210_3244.html)». La tempête a suivi une trajectoire linéaire. Son « œil » ne faisait « que » dix kilomètres de large. Les habitations auraient pu ne pas se trouver dans cette zone centrale. Ce ne fut malheureusement pas le cas.
Pour autant, la polémique est entièrement justifiée. Le diagnostic de la fragilité des conquêtes des terres sur la mer a été pleinement posé [après la tempête de 1999](http://www.paralia.fr/jngcgc/10_27_raison.pdf). « On n’a pourtant pas fait grand-chose ». Est-ce une question de moyens ? Pour le géographe, ce n’est pas le registre pertinent. « Exhausser, relever, renforcer les digues se chiffreraient en milliards d’Euros. Imaginer qu’il est pertinent d’ériger une cuirasse est illusoire. Il faut une défense très solide sur un petit nombre de secteurs bien circonscrits. Ailleurs, préconise Fernand Verger, il convient de proscrire les habitations en zone inondable, quitte à recourir à l’expropriation ».
[Voir le plan de l'Aiguillon-sur-Mer sur Google Maps](http://maps.google.fr/maps?q=la faute sur mer&t=k&hl=fr&om=2&ie=UTF8&hq=&hnear=La Faute-sur-Mer, Vendée, Pays de la Loire&ll=46.331284,-1.321793&spn=0.082971,0.152779&z=12&iwloc=A&source=embed)
Si je comprends bien, le risque d’inondations exceptionnelles ne doit porter que sur les territoires agricoles, et la profession doit savoir qu’elle sera soutenue en cas de catastrophe. Les habitations ne devraient pas, quant à elles y être exposées. Elles n’auraient pas dû l’être. [Elles auraient pu ne pas l’être](http://www.lemoniteur.fr/133-amenagement/article/actualite/698465-la-faute-sur-mer-la-dde-avait-prevenu-des-risques).
Vue aérienne du bourg Vue aérienne du bourg ©Office de tourisme de l'Aiguillon-sur-Mer
Mais, tragiquement, elles l’étaient, à [la Faute-sur-Mer ](http://maps.google.fr/maps?q=la faute sur mer&t=k&hl=fr&om=2)et à l’Aiguillon-sur-Mer en particulier. Les autorités auraient-elles du donner l’ordre d’évacuer ? Autant Fernand Verger juge avec sévérité les constructions d’habitations en zones inondables, autant il est mesuré sur la question de l’évacuation. « L’alerte météo a été très bien faite et dans les temps. Dès le samedi soir, la Vendée a été classée en alerte rouge en prévision de la violence que la tempête allait prendre à quatre heures du matin. On ne peut provoquer autoritairement une évacuation de 500 personnes d’une petite commune à dix heures du soir. A Paris, pendant la Seconde guerre mondiale, il se trouvait des personnes qui ne descendaient jamais aux abris en cas d’alerte aérienne. On ne peut pas forcer les gens à évacuer. Il n’ y a pas en France l’équivalent de cette culture du risque sismique qu’on trouve au Japon. A dix huit heures, il eût été concevable de demander aux habitants de gagner le vieux village de Saint-Michel-en-l’Herm, situé sur une butte calcaire. Mais dans la nuit, c’est difficile. Les gens auraient pris leur voiture. C’eût été extrêmement dangereux. Il fallait éviter aux gens d’être pris dans la tempête, avec tous les risques qu’elle comporte. Certes, on aurait pu imaginer de dire aux habitants : « restez chez vous mais soyez vigilants, restez en éveil, tenez vous prêts à réagir ! » La difficulté était triple : psychologique, temporelle et matérielle. »
L'Aiguillon-sur-Mer innondé par la mer L'Aiguillon-sur-Mer innondé par la mer ©Ouest-France/Cliché : Philippe Chatel
Planète terre a consacré plusieurs émissions aux risques : villes et tremblement de terre en Amérique latine, risque volcanique au Japon, risque de crue centennale à Paris, Katrina deux ans après. C’est une question qui a été profondément renouvelée par les géographes : l’expression « catastrophe naturelle » a pour ainsi dire disparu de leur vocabulaire scientifique. Haïti, Chili, Vendée… : l’actualité nous y ramène durement. Pensez vous que je devrais y revenir dans une prochaine émission ?