Qu'est-ce qu'un variant ? Comment le virus SARS-Cov-2 mute-t-il ? Et les vaccins seront-ils encore efficaces ? Voici quelques réponses aux questions que vous vous posez sur les variants du coronavirus.
Les variants semblent pulluler. Depuis l'hiver dernier, les mutations du SARS-Cov-2 se suivent et des variants aux noms barbares semblent être cités à l'envi. Mais quelle différence entre le variant anglais et le variant sud-africain ? Et que signifient au juste ces mutations que les scientifiques surveillent de près ? On vous explique tout.
Qu’est-ce qu’un variant ?
A l’instar de tous les virus, le coronavirus Sars-Cov-2 se réplique. Le patrimoine génétique du coronavirus est constitué d’une longue séquence ARN de 30 000 nucléotides (chacun d’entre eux est symbolisé par les symboles A, U, G ou C). Pour se reproduire, le Sars-Cov-2 doit réaliser une copie de cette longue séquence. Mais il arrive que des erreurs lors de la copie se produisent : une lettre peut être remplacée par une autre (substitution), effacée (délétion) ou encore ajoutée (insertion). C’est ce que l’on appelle une mutation.
Si les mutations semblent être apparues tardivement au cours de cette pandémie, c'est parce que le Sars-Cov-2 est équipé d’un système de correction des erreurs qui a ralenti la vitesse à laquelle celles-ci se sont produites. Dans l’immense majorité des cas, ces mutations aléatoires n’ont d’ailleurs pas d’effet majeur sur le virus, elles sont inutiles pour lui, voire néfastes. Mais il arrive que ces mutations modifient les protéines qui influent sur la capacité de transmission, la vitesse de réplication ou encore les capacités du virus à contourner notre système immunitaire. Dans ces cas précis, le virus ayant bénéficié de ces mutations est alors avantagé : il est plus efficace que la version “classique” du Sars-Cov-2 et se répand plus facilement dans la population.
En fonction des types de mutations, les scientifiques peuvent reconstituer un arbre de l'évolution du SARS-CoV-2. D’après une étude publiée dans Annals of Surgery début novembre [en anglais], dans chaque branche de cet arbre, deux mutations par mois apparaissent. Un rythme deux fois moins rapide que celui de la grippe, et quatre fois moins élevé que celui du VIH.
Les variants sont, selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis, triés en trois catégories :
- Les variants d'intérêt (variant of Interest) se caractérisent par des marqueurs génétiques pouvant affecter la transmission du virus, son diagnostic, son traitement ou encore la réponse immunitaire ; des preuves que ces variants sont à l'origine d'une augmentation du nombre de cas ou de clusters ; une diffusion qui se limite à un seul pays.
- Les variants préoccupants (variant of Concern) reprennent les caractéristiques précédentes mais s'y ajoutent : les preuves d'un impact sur les diagnostics, les traitements et les vaccins ; les preuves d'une résistance accrue à certains traitements, les preuves d'une diminution significative de la neutralisation du virus par les anticorps générés lors d'une infection ou d'une vaccination précédente ; les preuves de la réduction de la protection induite par le vaccin contre les maladies graves ; les preuves d'une transmissibilité accrue.
- Les variants à haut risque (variant of High Consequence) - qui n'ont pas encore été détectés dans le cas du SARS-Cov-2 - incluent les spécificités des variants préoccupants. Cependant il faut y ajouter : l'impact sur les contre-mesures médicales, l'échec des diagnostics, une réduction significative de l'effet des vaccins, une résistance plus élevée aux traitements thérapeutiques, et enfin des cas de maladies plus graves, avec un nombre d'hospitalisations accrues.
Comment se créent les variants ?
Les variants, on l’a vu, se créent lors de la réplication du virus dans l’organisme et lorsqu’une mutation apparaît. Il n’y a donc pas d’origine “précise” d’un variant.
Les chercheurs étudient cependant l’hypothèse que les personnes immuno-déprimées puissent présenter un terrain plus propice au développement de ces mutations. Ces malades étant sujets à des contaminations plus longues, la population virale se réplique plus longuement et peut donc permettre au virus d’acquérir une plus grande diversité génétique.
“Il y a des hypothèses qui sont discutées, explorées, expliquait dès janvier Etienne Simon-Lorière, virologue et responsable de l’unité Génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur, dans La Méthode scientifique. [...] Ce variant aurait pu évoluer au sein d'une personne immunodéprimée et dans lequel un nombre plus grand de mutations que ce qu'on attend en moyenne aurait pu se fixer dans le génome puisqu'il n'y avait pas de défenses immunitaires pour essayer de contrer le virus.”
Combien y a-t-il de variants ?
Chaque mutation étant à l’origine d’un variant différent, il existe des milliers de variants. En termes de nomenclature, chaque type mutation donne lieu à un nom spécifique. Un système établi par l’université d’Oxford permet d'ailleurs de décrire les relations, au fil des mutations, entre les différentes lignées de Sars-CoV-2 et leurs "descendants" évolutifs.
Tous les variants sont qualifiés par un nom précis dans le cadre des recherches scientifiques. La communauté scientifique cherche à établir une nomenclature idéale et, entre-temps, plusieurs systèmes de dénominations coexistent encore. En règle générale, on commence cependant à nommer les variants par leur origine géographique dans les médias, pour des raisons de facilité, lorsqu'ils sont catégorisés comme "variant préoccupants", c'est-à-dire lorsqu'ils deviennent prépondérants dans la population, ou lorsqu'ils sont, comme dans le cas du variant breton, proches de nous géographiquement.
Un coup d’œil au tableau de l’Initiative mondiale sur le partage des données sur la grippe aviaire (GISAID) qui référence différents types de mutations permet de se faire une idée de l’ampleur du sujet :
En France, les variants ont pris le pas sur la forme classique du Covid-19, a annoncé le ministre de la Santé Olivier Véran lors de sa conférence de presse du 25 mars, les jugeant à la fois "plus contagieux" et "plus dangereux".
Trois variants sont particulièrement étudiés :
- Le variant anglais, ou VOC2020, ou B.1.1.7, ou 20I/501Y.V1
Au 8 avril 2021, d'après le point épidémiologique de Santé Publique France, la part du variant britannique dans les contaminations en France était estimée à à 81,9%.
Détecté pour la première fois au Royaume-Uni en octobre 2020, ce variant contient 17 mutations, dont 8 affectent la protéine spike.
C'est cette protéine spike qui est utile au coronavirus pour se greffer aux récepteurs ACE2, qui permettent au virus d’infecter l’être humain. C’est notamment sur la reconnaissance de cette protéine par notre organisme que reposent les vaccins.
Le variant anglais est connu pour être à l’origine d’une contagiosité accrue. Il est également 64 % plus mortel que le virus classique, selon une étude parue dans la revue BMJ.
- Le variant sud-africain, ou B.1.351, ou 20H/501Y.V2
Au 8 avril 2021, la part du variant sud-africain dans les contaminations en France est de 4,2 %.
Ce variant a été découvert dès août 2020 en Afrique du Sud. Huit de ses mutations affectent également la fameuse protéine spike, dont la mutation N501Y, mais également les mutations E484K et K417N.
Le variant sud-africain se distingue par une plus haute contagiosité, sans pour autant être particulièrement plus mortel que le coronavirus classique. En revanche, les vaccins sont moins efficaces pour en protéger.
- Le variant brésilien ou 20J/501Y.V3
Au 8 avril 2021, la part du variant brésilien dans les contaminations en France est inférieure à 1 %.
Il existe deux variants brésiliens, nommés P1 et P2. Ils présentent les mutations E484K et N501Y sur la protéine spike.
Ce variant inquiète car il est non seulement hautement contagieux mais il semble pouvoir échapper à l’immunité conférée par une précédente infection ou par une vaccination. Il touche également une population plus jeune qu’à l’accoutumée .
Ces trois variants sont les plus souvent cités, car ils ont pris le pas sur les contaminations classiques dans de nombreux pays. Mais il existe de nombreux autres variants. En France, on a récemment parlé du variant dit “breton” : ce variant présente 9 mutations concernant la protéine spike. S’il fait parler de lui, c’est parce qu’il semble être bien plus difficile à détecter à l’aide des tests PCR : un malade non-détecté risque d’être plus à risque, car pris en charge trop tardivement.
Les variants sont-ils plus dangereux ?
Souvent plus contagieux, les variants sont mathématiquement plus mortels, puisqu’ils touchent plus de monde. Sont-ils pour autant plus dangereux ? C’est, dans l’ensemble, le cas pour les “variants préoccupants”.
Une étude parue dans la revue BMJ a ainsi confirmé que le variant anglais du SARS-CoV-2 est plus mortel que le virus original. Entre octobre et janvier, les chercheurs ont analysé les données de plus de 110 000 personnes diagnostiquées positives au Covid-19 ; des patients de plus de 30 ans et qui n’étaient pas hospitalisés, la moitié portant la mutation anglaise et l’autre moitié ne la portant pas. La quantité de personnes décédées était plus importante dans le groupe qui portait la mutation : les chercheurs estiment que le variant anglais est 64 % plus mortel que le virus classique.
Si les autorités scientifiques sont très attentives à toutes les mutations qui concernent la protéine spike, qui joue un rôle clé dans l’élaboration des vaccins, ils s’attardent particulièrement sur la mutation E484K, qu’on retrouve dans les variants brésilien et sud-africain. Cette mutation pourrait aider ce variant "à contourner la protection immunitaire conférée par une infection antérieure ou par la vaccination", a expliqué le Pr François Balloux, de l'University College de Londres.. Des tests en laboratoire ont en effet montré qu'elle semblait capable de diminuer la reconnaissance du virus par les anticorps, et donc sa neutralisation.
Autre sujet d’inquiétude, le variant brésilien serait plus létal pour les jeunes. “Le profil de nos patients a changé. Aujourd'hui, nous avons des personnes plus jeunes hospitalisées dans un état très grave, même si elles n'ont pas de comorbidités", a ainsi expliqué à l'AFP Jaques Sztajnbok, responsable de l'unité de soins intensifs de l'hôpital Emilio Ribas de Sao Paulo.
Selon une étude de l'Association brésilienne des soins intensifs (AMIB), près de 11 000 patients hospitalisés en soins intensifs sont âgés de moins de 40 ans. Un chiffre très inquiétant : cela représente 52,2 % des personnes hospitalisées dans ces conditions. Un an plus tôt, avec le virus "classique", elles ne représentaient que 14,6%.
Les vaccins sont-ils moins efficaces face aux variants ?
Si les scientifiques sont si attentifs aux mutations qui entourent la protéine spike, c’est bien parce qu’elle est essentielle dans le rôle des vaccins. Pour schématiser, les vaccins entraînent le corps à reconnaître et à combattre cette protéine qui fonctionne comme une clé pour le virus. Si elle est trop modifiée par les différentes mutations, les vaccins pourraient devenir inefficaces.
Heureusement, les vaccins entraînent une réponse qui cible différentes régions de la protéine spike, ce qui empêchent les mutations de rendre les anticorps générés par le vaccin totalement inopérants.
Dans la situation actuelle, les vaccins continuent donc d’être efficaces face aux différents variants identifiés. Cependant différentes études ont d’ores et déjà montré que s’ils restent efficients, ils le sont un peu moins qu’auparavant en ce qui concerne les variants brésilien et sud-africain. Les laboratoires sont dès à présent en train d’étudier comment gérer au mieux cette situation : un troisième rappel vaccinal pourrait par exemple être envisagé. Il convient également de préciser que les vaccins à ARN (Pfizer BioNTech et ModeRNA) peuvent être mis à jour rapidement pour pouvoir fonctionner sur de nouveaux variants. "Plusieurs laboratoires ont confirmé qu'ils travaillaient déjà à réactualiser leurs vaccins pour qu’ils restent efficaces contre B.1.351, le variant sud-africain", rappelait récemment Natacha Triou dans Le Journal des Sciences.