Près d'un mois après la tentative de coup d'Etat en Turquie, des purges ont été organisées dans le pays visant notamment à éliminer des proches de Fetullah Gülen, bête noire du président Erdogan. Le mouvement güleniste existe également en France où il est aussi réprimé.

C'est un mouvement sans pareil dans l'histoire de l'islam turc. La confrérie de l'imam Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis depuis 1999, existe depuis plus d'une quarantaine d'années. Elle est active dans plus d'une centaine de pays à travers le monde. En France, c'est la ville de Pantin (93) qui héberge le siège de multiples associations affiliés au Hizmet (le service, comme l'appelle ses membres). On y trouve des écoles et centres de soutiens scolaires, une fédération entrepreneuriale ou encore une fondation humanitaire.
"Donner une image positive du mouvement"
Ces associations sont des maillons importants de la chaîne güleniste selon Bayram Balci, chercheur au centre de recherches internationales de Science Po et spécialiste du groupe : "C'est un moyen de donner une image positive du mouvement à l'échelle nationale et internationale. Mais cela n'empêche pas Gülen d'avoir des activités nuisibles et mesquines en Turquie comme l'infiltration, l'espionnage, les écoutes illégales etc"
Anciens alliés devenus ennemis
Depuis le 15 juillet et la tentative de coup d'Etat en Turquie, l'actualité du mouvement de l'imam Gülen, c'est la traque qu'a lancé contre lui Recep Tayyip Erdogan. Une lutte impitoyable de la part du président turc contre l'homme qui fut pourtant un proche allié.
"Erdogan a travaillé avec lui pendant longtemps. Il lui a facilité l'installation dans les structures de pouvoir (police, éducation ...). Une fois qu'ils (Erdogan et Gülen, ndlr) ont réussi à éliminer leur adversaire, c'est à dire l'armée et l'establishment kémaliste, ils sont devenus un peu concurrents. Donc le divorce était inévitable en 2013, et il n'a fait que s'aggraver." Bayram Balci
La répression à son paroxysme
Ces dernières semaines, c'est une véritable chasse aux sorcières opérée contre le mouvement Hizmet. La tension conséquente au coup d'Etat manqué en Turquie s'est propagée à la communauté turque en France. Après diverses tentatives d'intimidations et actes de vandalismes contre les membres du réseau gülenistes et leurs locaux, Nihat Sarier, président de la plateforme de Paris, une institution d'inspiration güleniste promouvant le dialogue interculturel, dénonce la situation : "Quand vous êtes citoyen français et que du jour au lendemain on vous traite de terroriste, ça vous fait bizarre. J'ai une partie de ma famille qui ne me parle plus. Il y a des personnes qui se font le relais du régime turc actuellement et qui se donnent pour mission de dire : "il faut les dénoncer". Il y a du fichage. On cherche à nous isoler en France. La pression monte de jour en jour."
Tags, centre de soutien incendié, messages de menace
La pression se fait de plus en plus forte ces derniers jours. Les locaux de 17 associations ont été vandalisés, plusieurs dizaines de menaces de morts ont été reçues. A Sens, dans l'Yonne, un centre de soutien scolaire a été incendié. Son directeur est atterré :
"C'est une catastrophe à l'intérieur. Ca nous fait mal au coeur. C'était une association où on faisait du soutien scolaire. On est totalement loin de la vie politique. Les problèmes qui se passent en Turquie ne nous concernent pas. Qu'on nous laisse tranquille !"
Le journaliste azéri Mahir Zeynalov, basé à Washington poste sur Twitter les locaux d'un centre culturel français lié à Gülen incendié, les pro-Erdogan sont suspectés.
Un chef d'entreprise franco-turc, membre de la fédération des entrepreneurs franco-turcs a même reçu un faux message de la gendarmerie sur son téléphone portable
"Nous avons reçu une demande d'extradition du gouvernement turc comme quoi vous avez des activités terroristes. Veuillez vous présenter au poste de gendarmes le plus rapide (sic) possible."
Le chef d'entreprise a dû changer de numéro de téléphone :"Je ne comprenais pas, je me suis présenté chez les gendarmes trois, quatre fois. Puis, j'ai fini par porter plainte." Les gülenistes appellent aujourd'hui les pro-Erdogan au calme.Les patrouilles de police ont été renforcées devant des locaux pris pour cible...Une cinquantaine de plaintes ont été déposées.