__ > dossier : le festival d'Avignon 2010

Ecoutez la chronique de Joëlle Gayot diffusée dans le journal de la rédaction de 18h.
Chouf Ouchouf, par Zimmermann & de Perrot Chouf Ouchouf, par Zimmermann & de Perrot © Mario Del Curto
Chaque année à Avignon, on vit la même expérience et pourtant chaque année, on en redécouvre les vertus et les inconvénients, comme pour la première fois. L’abondance des propositions nous conduit à circuler de salle en salle, à enchainer les spectacles avec des représentations parfois situées aux antipodes les unes des autres. Ce marathon, car c’en est un, permet des associations surprenantes, il est vécu par les festivaliers comme une véritable excitation.
Hier par exemple, on a vu en l’espace de quelques heures le travail de Gisèle Vienne, jeune chorégraphe française avant-gardiste puis celui du Groupe acrobatique de Tanger, dirigé par deux metteurs en scène suisses Dimitri de Perrot et Martin Zimmermann. C’était un peu comme passer du pole sud au pole nord, du néant à l’humanité, de l’enfer au paradis. D’un côté il y avait un spectacle anxiogène celui de Gisèle Vienne, auteur de *This is how you will disappear.* De l’autre, une immersion dans la cacophonie d’un Maroc réinventé avec *Chouf Ouchouf* dansé par les acrobates de Tanger. Bref, deux univers sans aucun rapport l’un avec l’autre qui se sont littéralement télescopés dans les têtes.
This is how you will disappear, de Gisèle Vienne. This is how you will disappear, de Gisèle Vienne © Seldon Hunt
Au jeu des comparaisons, on est parfois tenté de déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est un peu injuste mais c’est ce qui s’est passé hier
Du spectacle de Gisèle Vienne, on est sorti séduit. La chorégraphe nous avait plongé dans une rêverie méditative face à un plateau angoissant, où, dans une forêt sombre, évoluaient une danseuse et deux hommes. On se disait que le projet n’était pas mauvais même si un peu trop influencé par le maître de l’effroi sur les plateaux de théâtre, l’italien Romeo Castellucci. Mais, bon il y avait là quelque chose de construit, de maîtrisé, de fascinant presque. En tous cas, une vraie capacité à faire d’une image un paysage.
Mais quelques heures plus tard, à la sortie de *Chouf Ouchouf* , on a pu mesurer la différence qui existe entre séduction et adoration. Le spectacle des acrobates de Tanger a rencontré **LA** standing ovation. Et comment ne pas aimer ce très jeune groupe de 10 hommes et 2 femmes, qui, avec une énergie, une générosité et un talent exceptionnels, enchainent des prouesses acrobatiques mises au service d’une histoire du Maroc racontée en filigrane . Sans dire un mot ou presque, mais en utilisant leur corps comme un langage, en bâtissant des pyramides humaines, en sautant dans le vide, en se propulsant dans les airs de manière hallucinante, ces jeunes gens de Tanger en disent plus sur leur pays, les clichés qui lui collent à la peau, les vérités aussi, du port du voile à la misère, que tous les discours pontifiants réunis. C*houf Ouchouf, * ce sera, j’en fais le pari, un des spectacles les plus plébiscités du Festival d’Avignon.
**[> Les chroniques quotidiennes du festival.](/2010-07-07-avignon-2010-la-chronique-quotidienne-du-festival.html "Avignon 2010. La chronique quotidienne du festival")** Retrouvez ici tous les billets de Joëlle Gayot, diffusés dans le journal de la rédaction de 18h.