**« Touche pas à ma littérature ! »
Moquée par le président, défendue par l’honnête homme, « la Princesse de Clèves »revient sur le devant de la scène. Laurence Février adapte avec élégance ce chef-d’œuvre de finesse et d’analyse, en montant « la Passion corsetée » au théâtre Rouge du Lucernaire, comme un acte de résistance contre la vulgarité.**
Corsetés dans les rets de langue et de bienséance, les sentiments ne s’en expriment que plus intensément, obligent à déployer des trésors d’inventivité, de finesse et de rhétorique pour se faire entendre sans rien laisser paraître. Tel est le ressort de la Princesse de Clèves : « Les paroles les plus obscures d’un homme qui plaît donnent plus d’agitation que des déclarations ouvertes d’un homme qui ne plaît pas. ».
la Passion corsetée la Passion corsetée © Margot Simmoney
Laurence Février, éprise de ce roman écrit par Mme de La Fayette en 1678, monte un spectacle intelligent exempt de toute pesanteur, entendant « dire et redire cette langue magnifique, notre patrimoine littéraire, et éviter par tous les moyens qu’on ne mette ce chef-d’œuvre aux oubliettes ». L’histoire ? Mme de Chartres, fraîche épouse du prince de Clèves, tombe éperdue à la vue du merveilleux duc de Nemours. Leur passion secrète, bien que mutuellement entendue, les contraint à moult sophistication, antiphrases, litotes, métaphores et sublimes faux-semblants. Elle réveille en eux une douleur vivace que Mme de La Fayette en « sismographe du cœur humain » consigne avec l’acuité des sensibles et la retenue des grands.
Laurence Février, elle, condense avec talent et en un peu plus d’une heure le suc littéraire et psychologique de ce drame, interprétant les moments narratifs comme les dialogues. Dans un décor simplement composé de longs pans de tissu maillés, pensés par Brigitte Dujardin, symbolisant ces rets de la langue, ce corset qui maintient ferme la passion, figurant bosquets ou petits salons, mais aussi les miroirs et les voiles, elle ordonne un jeu galant avec grâce.
Sa voix lasse et douce, égale, précieuse, son sens certain de la narration et de la dramatisation, exacerbent le sublime de ce « roman de résistance ». Résistance contre la vulgarité (suivez mon regard…), « acmé de raffinement et de subtilité » où les personnages « ne sont jamais médiocres, […] c’est une œuvre qui tire les individus vers le haut ».
Également conceptrice d’un théâtre documentaire, dont participe notamment la pièce *Ils* *habitent la Goutte d’or* , et interprète de [*Suzanne. Une femme remarquable* ](http://www.lestroiscoups.com/article-35750297.html) – qui part en tournée en 2011 –, Laurence Février, dans son élégante robe rouge, retourne avec *la Passion corsetée* à son amour du texte, parenthèse « sublime » dans un travail toujours marqué par une forme de militance et un souci de l’actualité. Si elle devait adopter un slogan ? « Touche pas à ma littérature ! ». **¶**
**Cédric Enjalbert**
**Les Trois Coups**
[**www.lestroiscoups.com** ](http://www.lestroiscoups.com/)
***La Passion corsetée* , d’après *la Princesse de Clèves* , de Mme de La Fayette**
Compagnie Chimène • 28, rue de Ménilontant • 75020 Paris
01 42 23 62 50
[chimene.compagnie@libertysurf.fr](mailto:chimene.compagnie@libertysurf.fr)
De et avec Laurence Février
Assistance à la mise en scène : Julie Simonney
Scénographie et illustration sonore : Brigitte Dujardin
Lumières : Carlos Perez
Costume : Marie-Thérèse Peyrecave
Le Lucernaire, théâtre Rouge • 53, rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris
Réservations : 01 42 22 26 50
Du 3 novembre 2010 au 16 janvier 2011 à 20 heures, dimanche à 15 heures, relâche le lundi
[www.lucernaire.fr](http://www.lucernaire.fr/)
Durée : 1 h 10
30 € | 20 € | 15 €| 10 €