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Réécoutez la chronique de Joëlle Gayot
« L’entêtement » « L’entêtement » © Christophe Raynaud De Lage
C’est en dehors des murs qu'on peut assister au travail de la Compagnie des Lucioles, menée par Marcial di Fonzo Bo et Elise Vigier : une mise en scène d’un texte d’un jeune auteur argentin, Rafaël Spregelburd intitulé : « l’entêtement ».
Les Lucioles, c’est une troupe de comédiens qui s’affirme comme une des valeurs sures du théâtre français. Les Lucioles, compagnie née à Rennes, à l’Ecole Nationale du théâtre de Bretagne, c’est d’abord un état d’esprit : une bande d’acteurs très soudés qui avancent main dans la main depuis maintenant plusieurs années. On les a déjà vus à l’œuvre, ici, à Avignon. Sur des textes de Copi. Ils sont joyeux, ils sont doués, ils savent s’emparer d’un plateau pour en faire le lieu de représentations iconoclastes, toujours très intelligentes. Avec Rafaël Spregelburd, qui est depuis quelques temps devenu leur auteur de prédilection, ils poursuivent une aventure passionnante. Ils reprennent d’ailleurs parallèlement à « l’Entêtement » la mise en scène d’un autre de ses textes : « La Paranoïa ».
Mais restons sur « l’Entêtement » puisque c’est l’objet de cette chronique. La pièce est étrange, elle est bâtie en boucle. Une même histoire nous est racontée trois fois, sous trois angles différents, selon le point de vue de celui qui l’a vécue. Si la première histoire est un peu confuse, les deux suivantes éclairent le propos : on est en Espagne, c’est la guerre civile et les catholiques réactionnaires s’opposent aux républicains. On entre au cœur d’une famille peu banale. Le père tente d’inventer une langue nouvelle, universelle, une sorte d’esperanto. Il s’acharne à rédiger un dictionnaire totalement utopique. Sa fille, magnifiquement interprétée par Judith Chemla, est visitée par des voix et hantée par le souvenir d’une sœur ainée morte au fond d’un puits. Autour, s’activent des caractères bien trempés parmi lesquels un prêtre légèrement défroqué que Pierre Maillet campe avec une fantaisie dingue. On se croirait au début des années 40, dans cette Espagne déchirée en proie aux guerres intestines. Coups bas, complots, trahisons, tout y est. Comme toujours avec les Lucioles, l’humour et le loufoque flottent sur scène. C’est d’ailleurs leur marque de fabrique : inscrire et défendre des propos ultra sérieux sans jamais oublier de faire rire. Un équilibre subtil auquel beaucoup prétendent mais peu parviennent.
« L’entêtement » et « La Paranoïa », textes de rafaël Spregelburd, mise en scène de Marcial di fonzo bo et Elise Vigier. Salle de spectacle de Védène, jusqu’au 15 juillet.